Libyegate : scandale éclaboussant pour le cabinet Netanyahu

Francoise Riviere
9 Min Read
Prime Minister of Israel Benjamin Netanyahu arrives at the Presidential Palace, Nicosia, Cyprus, on Sep. 4, 2023. A trilateral meeting between the President of Cyprus Nicos Christodoulides, the Greek Prime Minister Kyriakos Mitsotakis and Israeli Prime Minister Benjamin Netanyahu took place today at the Presidential Palace. (Photo by Kostas Pikoulas/NurPhoto via Getty Images)

Introduction

La divulgation de l’information sur la réunion secrète du ministre israélien des Affaires étrangères avec son homologue libyenne a provoqué un tollé en Libye et un scandale éclaboussant le cabinet Netanyahu au point que ce dernier a ordonné que toute réunion politique secrète du gouvernement ne se fasse plus sans son feu vert. En effet, cette révélation pourrait, selon les experts, constituer le talon d’Achille du cabinet d’extrême droite de l’entité israélienne et conduire à son effondrement.

Alors que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu recourt à toutes les tactiques possibles et imaginables pour entraîner les pays arabes dans le processus de normalisation des relations et sortir ce régime de l’isolement régional, l’alliance israélo-arabe semble cette fois buter à l’impasse. Les violentes critiques contre la révélation de la rencontre secrète du ministre israélien des Affaires étrangères Eli Cohen avec son homologue libyenne Najla al-Manghoush ont mis le Premier ministre Netanyahu et ses alliés extrémistes dans une impasse qui pourrait sonner le glas de sa vie politique.

Le cabinet Netanyahu dans le collimateur

Le chef de la diplomatie israélienne, Eli Cohen, avait fait part de sa réunion avec son homologue libyenne, Najla Mangoush, suscitant une vive indignation en Libye et un torrent de critiques au sein de l’entité israélienne. La population de ce pays de l’Afrique du Nord  s’était insurgée contre cette rencontre sans précédent et les politiciens israéliens avaient dénoncé une erreur diplomatique dans cette révélation.

Dans la foulée, Netanyahu a ordonné à ses ministres que toute réunion politique secrète soit approuvée à l’avance. Conséquence des remous diplomatiques créés par la crise libyenne, le Premier ministre israélien a exigé d’approuver en amont toute réunion secrète du gouvernement.

Dans ce chaos diplomatique, le ministère israélien des Affaires étrangères avait initialement affirmé que l’annonce avait découlé de fuites dans la presse, avant d’expliquer qu’un accord avait été convenu entre les deux parties sur les communications publiques autour de l’entretien.

Les dirigeants de l’opposition israélienne ont qualifié d’irresponsable la gestion de la rencontre avec la ministre libyenne, estimant que la divulgation de cette nouvelle par Cohen nuirait à ce qu’ils appellent les « relations secrètes » de Tel-Aviv avec la Libye et d’autres pays.

« La divulgation de la nouvelle de la rencontre entre le ministre des Affaires étrangères du gouvernement d’unité nationale libyenne et le chef de la diplomatie israélienne, est un acte d’amateurisme, d’irresponsabilité et un manque flagrant de jugement », a écrit le chef de l’opposition  israélienne Yaïr Lapid.

Des politiciens sionistes et internationaux ont critiqué Cohen pour avoir révélé cette réunion, affirmant qu’il aurait mis en danger la vie du ministre libyen des Affaires étrangères et causé des dommages politiques à Tel-Aviv. Selon certaines informations, de hauts responsables de Tel-Aviv craignent que d’autres pays qui cherchent à établir des relations avec le régime israélien ou à rejoindre les accords d’Abraham se montrent désormais réticents. En effet, la fuite de cette rencontre a créé de nouveaux défis voire un scandale éclaboussant pour le cabinet Netanyahu, qui fait face, depuis plusieurs mois, à une vague de protestations massives contre son projet controversé de réforme judiciaire mais aussi à des tensions croissantes avec des groupes de résistance en dehors des territoires occupés. Certains analystes estiment que la divulgation de cette rencontre pourrait accroître la pression sur le Premier ministre israélien et son cabinet et précipiter son effondrement.

La Libye rejette toute normalisation des relations avec Israël

Après la divulgation de la rencontre non officielle de la ministre libyenne des Affaires étrangères Najla Al-Manghoush avec son homologue israélien Eli Cohen  Rome, une entrevue favorisée par le chef de la diplomatie italienne, le Premier ministre du gouvernement d’union nationale de Libye, Abdelhamid Dbeibah, a finalement limogé sa cheffe de la diplomatie, Najla al-Mangoush, lundi 28 août au soir.

Lors d’une session extraordinaire du parlement tenue dans la ville de Benghazi, située à l’est du pays, sur la rencontre entre Mangoush et Cohen, le président du Parlement libyen, Aguila Saleh, a souligné l’opposition de son pays à la normalisation des relations avec le régime israélien et son engagement à défendre la cause palestinienne.

« La question de la Palestine est celle de tous les Musulmans, personne n’a le droit de faire des compromis à ce sujet et des efforts doivent être entrepris pour créer un État palestinien avec Qods comme capitale », a-t-il précisé avant d’ajouter: « Nous sommes contre tout contact avec le régime de Tel-Aviv et le condamnons. »

Abdulsalam Nasiyeh, membre du Parlement libyen, a également déclaré que l’opposition du peuple à la normalisation des relations avec Israël en Libye portait un message clair à l’adresse de tous ceux qui souhaitent interagir avec ce régime.

Chaos politique et scandale éclaboussant pour le cabinet Netanyahu, la nouvelle a aussi suscité la colère des citoyens libyens. À Tripoli, qui fut sous le colonel Kadhafi la capitale arabe la plus hostile à Israël, l’annonce a fait l’effet d’une bombe. Des manifestants brandissant des drapeaux palestiniens et brûlant des pneus ont attaqué les bureaux de la ministre libyenne, Najla el-Mangoush, dont on a dit, pendant plusieurs jours, qu’elle avait même dû fuir en Turquie dans la foulée du communiqué israélien, avant de réapparaître à Tripoli.

Dans la ville de Zawiya, des manifestants ont brûlé le drapeau israélien, tandis que d’autres ont brandi le drapeau palestinien. Des manifestations ont également eu lieu dans la ville de Misrata, un bastion d’al-Dbeibeh, selon des images diffusées sur les réseaux sociaux.

Quelques heures plus tard, le Premier ministre libyen a annoncé la formation d’un groupe d’experts chargé d’enquêter sur cette rencontre, tandis que le ministère libyen des Affaires étrangères a nié qu’il y ait eu une rencontre officielle.

Dans de nombreux pays arabes, toute relation avec Israël, ses ressortissants ou toute entité le représentant est passible de poursuites pénales. C’est le cas au Liban, où un accord indirect sur la démarcation de la frontière maritime avec son voisin méridional n’a pas changé la donne. En Algérie, en Libye, en Tunisie, en Syrie, en Irak ou au Yémen, l’idée d’une paix avec « l’entité sioniste » demeure impopulaire. Une loi de 1957 en Libye, précise qu’il est illégal de normaliser les liens avec Israël.

Conclusion

Le Premier ministre israélien, déçu par la normalisation des relations avec les monarchies du golfe Persique, se focalise ces jours-ci sur les pays arabes d’Afrique du Nord, afin de pouvoir, avec leur aide, reprendre pied sur ce continent, mais ce projet s’est également soldé par un échec.

Ce scandale visant au cœur le cabinet d’extrême droite israélienne a par ailleurs fait réagir jusque de l’autre côté de l’Atlantique. Des responsables de l’administration américaine ont déploré une indiscrétion qui gèle les possibilités d’un accord israélo-libyen et met en péril d’autres négociations officieuses en cours avec des pays arabes notamment avec l’Arabie saoudite. En impliquant les pays arabes notamment l’Arabie saoudite dans le processus de normalisation avec Israël à l’approche de l’élection présidentielle de 2024, Joe Biden tentait de présenter un bilan réussi en matière de politique étrangère et d’obtenir le soutien du lobby sioniste. Or, la suspension du processus de normalisation a volatilisé les rêves de Bien qui fulmine aujourd’hui étrangement contre le gouvernement d’extrême droite de Netanyahu.

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