Niger ; le coup d’État contre la France

Francoise Riviere
9 Min Read
TOPSHOT - Protesters hold an anti-France placard during a demonstration on independence day in Niamey on August 3, 2023. Niger's junta on August 3 said it was scrapping military pacts made between Niamey and France, following last week's coup. "Faced with France's careless attitude and its reaction to the situation", the "National Council for the Safeguard of the Homeland decided to scrap the cooperation agreements in the field of security and defence with this state," one of the putschists said in a statement read out on television late on August 3. (Photo by AFP) / ALTERNATE CROP (Photo by -/AFP via Getty Images)

Devant l’ambassade de France à Niamey au Niger, des milliers de manifestants se sont rassemblés lors d’un rassemblement de soutien aux militaires putschistes qui ont renversé le président  pro France pro Occident Mohamed Bazoum plus tôt dans la semaine, révélant ainsi ce que led analystes appellent «  la désormais réalité du Sahel » qui nedt plus trop belle aux yeux de la France. En effet le régime Bazoum, un des derniers pions de la France en Afrique de l’ouest est tombé alors que le « pre carré sahélien  » de la France se rétrécit de jour en jour comme une peau de chagrin remplacé par des gouvernements issus des rangs de l’armée mais qui reflètent néanmoins le désir profond des populations de la zone pour l’indépendance. Ainsi  au cours de la manifestation anti française de jeudi, la plaque “Ambassade de France au Niger” a été piétinée et remplacée par des drapeaux nigériens. Les manifestants ont exprimé leur hostilité envers la France en scandant des slogans anti-français et en réclamant le départ immédiat de toutes les forces occidentales présentes au Niger. Mais  comment ce séisme géopolitique au cœur du bastion sahelien de la France qui expulsée du Mali et du Burkina Fado voisins maintient le gros de ses troupes au Sahel dans ses bases au Niger a-t-il été couvert par les médias mainstream ? Voici le récit récurrent auquel nous invitent la plupart des medias occidentaux en commentant le coup de force du général Tiani, chef des putschistes : «  il y a la manif  pourtant, selon Amaury Hauchard, un journaliste indépendant basé au Niger, il est important de noter que ces manifestations ne représentent qu’une petite partie de la population nigérienne. Il estime que les Français eux-mêmes ne sont pas directement visés, mais plutôt le système français, le gouvernement français et les militaires français, perçus comme des symboles de certains enjeux ».

Mais la haine anti-France est-ce vraiment l’apanage d’une infime partie de la population nigérienne ? Rien n’est moins sûr. La manifestation de jeudi à Niamey a rassemblé des milliers de personnes et elle a été loin d’être  sans précédent sur le continent, Des mouvements de protestation contre la France ont d’ailleurs été observés lors des coups d’État en au Mali ou encore au Burkina Faso  voire même au Tchad qui reste le tout dernier allié de la France au Sahel. La question qui se pose est dès lors la suivante : pourquoi cette hostilité ? Puissance coloniale par excellence la France récolte en effet là la tempête qu’elle a elle-même créé en semant le vent pendant des décennie au Sahel.

Les protestations de ces derniers jours au Niger ont d’ailleurs renvoyé trait par trait aux mouvements observés au Mali et au Burkina Faso lors de coups d’État de 2021 et 2022 où les manifestants  ciblaient physiquement l’ambassade de France en signe de soutien aux juntes militaires.

Le mouvement civil M62, qui s’était déjà opposé à l’opération Barkhane de l’armée française au Sahel et au Sahara, a été à l’origine de l’appel à manifester devant l’ambassade de Niamey.

Selon Oussmane Ndiaye, rédacteur en chef de la rubrique Afrique de TV5 Monde, l’hostilité envers la France existait déjà au Niger bien avant le putsch. Mais la raison nen est pas comme il veut le faire croire la culture politique des jeunes  qui se serait  développée dans une forme d’opposition à la France mais bel et bien la politique foncièrement anti Afrique de l’Elysée, un mélange d’ingérence, d’animosité et de mépris envers les Africains.

On se rappelle en effet le discours de Nicolas Sarkozy à Dakar le 26 juillet 2007, où l’ancien président français avait déclaré que “le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire.” Ce discours tramé de racisme a porté au grand jours le fond de la pensée des dirigeants politiques français envers l’Afrique dont ils exploitent non seulement les richesses ensous sol mais aussi la main-d’œuvre.

Les prédécesseurs de Sarkozy n’ont pas fait mieux : Jacques Chirac a tenté de réécrire l’histoire coloniale en mettant en avant les “bienfaits de la colonisation”, ce qui a suscité une contestation importante, notamment en référence à une loi de 2005 mentionnant le “rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord”.

 

Mais le néocolonialisme français n’en est pas resté au stade du verbe et avec l’émergence du phénomène de terrorisme au Sahel a pris la forme d’ingérence d’occupation militaire direct

La génération actuelle en Afrique a vécu le retour fréquent des interventions militaires de la France sur le continent africain, notamment en Côte d’Ivoire en 2010-2011, où l’intervention s’est déroulée dans le cadre d’un conflit interne. L’autre intervention dévastatrice pour le continent est celle en Libye en 2011, qui s’est déroulée sans l’aval de l’Union africaine et contre celle-ci puisque l’UA allait devenir sous Kadhafi une force politique militaire et économique dont l’Occident avait peur.

Mais plus dévastateur que cela aura été la guerre contre le terrorisme soit le slogan qui fournit depuis 2013 un superbe prétexte a l’occupation des territoires africains par les armées occidentales sans que ces occupations améliorent en quoi que ce soit la sécurité. La présence à bien au contraire réussi à amplifier le terrorisme non seulement à l’échelle d’un pays mais aussi au niveau de tout le Sahel.  Ces facteurs historiques et politiques ont conduit des milliers de manifestants à se rassembler devant l’ambassade de France à Niamey, scandant des chants anti-France et arborant des drapeaux nigeriens.

Mais la France acceptera-t-elle ses erreurs reconnaissant que le coup d’Etat au Niger tout comme les putches au Mali et au Burkina est une réaction naturelle à ses propres politiques interventionnistes? La réponse est négative â en juger  la couverture qu’accordent à l’événement les médias français. Dans une scandaleuse fuite en avant la France qui menace déjà le Niger de guerre tente de jeter la « faute » aux Russes et de représenter la Russie comme etant  la tireuse de ficelles et l’agitateurs de l’ombre.

« Abdoulaye, portant un drapeau russe, a exprimé le désir des manifestants de se tourner vers la Russie comme partenaire pour les accompagner dans leur quête d’indépendance. Ils souhaitent suivre l’exemple des pays voisins du Mali et du Burkina Faso,affirme un média français avant d’ajouter : « En réponse aux manifestations et aux actions hostiles contre l’ambassade de France à Niamey, l’Élysée a averti que la France répondra de manière immédiate et ferme à toute attaque contre ses ressortissants. Le Quai d’Orsay a souligné que les forces nigériennes ont l’obligation d’assurer la sécurité des établissements diplomatiques et consulaires français conformément aux Conventions de Vienne, et a appelé instamment le Niger à remplir cette obligation imposée par le droit international. »

Mais la France croit-elle réellement convaincre en se montrant menaçante ? Au Sahel c’est la France qui devra rendre des comptes et pas l’inverse

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