Le Hajj, une expérience spirituelle transformante et inoubliable

Francoise Riviere
15 Min Read

L’interaction entre les différents segments de la société islamique pendant la saison du Hajj (grand pèlerinage musulman à la Mecque) peut être le facteur le plus efficace pour les échanges culturels et le partage de pensées et d’idées. Cela est particulièrement vrai car le grand rassemblement du Hajj est une représentation concrète de toutes les couches de la communauté musulmane. Il réunit des musulmans du monde entier, de cultures, de langues et de couleurs de peaux différentes. Il n’y a pas de critères imposés, ni forgés ni artificiels dans la sélection des candidats qui souhaitent venir accomplir leur Hajj sous un même toit. Il s’agit par contre d’une bonne occasion pour instaurer l’égalité et rejeter la discrimination.

L’un des bienfaits de ce grand rassemblement spirituel est de permettre aux musulmans de se familiariser les uns avec les autres, de prendre connaissance de l’état de chacun et pour que chaque groupe transfère ses investissements commerciaux d’une ville à une autre… et pour que les souvenirs et les traditions du Noble Prophète (P) soient connus et souvenus, manière de rester connectés par cet héritage grandiose.

C’est sur cette base que les musulmans, pendant les époques suffocantes où les califes et les dirigeants tyranniques leur interdisaient de diffuser les règles de l’Islam noble, ont profité de cette occasion qu’est Hajj pour interagir avec les Imams et les éminents érudits religieux afin de résoudre leurs problèmes, de comprendre les règles de l’Islam et de saisir les traditions et coutumes du Grand Prophète (P).

D’autre part, le Hajj a le potentiel de se transformer en un gigantesque congrès culturel où les savants et intellectuels du monde musulman se réunissent pendant quelques jours à La Mecque, exposant leurs pensées et partageant leur soucis et leurs initiatives bénéfiques avec les autres. Il est déplorable de voir les frontières entre les nations islamiques deviennent la cause de leur séparation culturelle, ce qui a pour conséquence, des divisions amères et contreproductives au sein d’une même communauté, avec des risques d’être instrumentalisée par des parties malveillantes étrangères qui guettent l’occasion d’intervenir en guise d’un prétendu soutien, mais qu’ils n’ont en réalité qu’un seul objectif : assurer leurs intérêts politiques et économiques intéressés dans la région.

Nul doute que le Hajj a cette grande capacité d’éviter de telles conséquences.

Dans le verset 103 de la sourate 3 du noble Coran, nous lisons : ” Et cramponnez-vous ensemble à la corde de Dieu ; et ne soyez pas divisés ; et rappelez-vous les bienfaits de Dieu sur vous : lorsque vous étiez ennemis, c’est Lui qui réconcilia vos cœurs ; puis, par Ses bienfaits, vous êtes devenus frères. Et alors que vous étiez au bord d’un abîme de feu, c’est Lui qui vous en a sauvés. Ainsi Dieu vous expose Ses signes. Peut-être seriez vous guidés vers la bonne voie.”

S’agissant de la nécessité de l’unité et des inconvénients de la division on peut également citer le récit des Aws et des Khazraj, deux tribus arabes qui peuplaient Yathrib. Une fois qu’ils ont embrassé l’Islam et offert leur protection au Prophète (P) et à leurs co-religionnaires mecquois, on les a appelés Al-Ansâr (littéralement, les Secoureurs ou les Alliés).

Une rivalité ancienne existant entre les deux principales tribus Médinoises, le Prophète (P) réconcilie les deux parties sous l’égide de l’Islam et conclu un pacte avec eux.

Les deux tribus ccélèbres étaient en désaccord depuis plus de cent ans. Entre elles, régnaient la rancune, la guerre et l’effusion de sang. A la moindre occasion et sous les moindres prétextes, les hommes des deux tribus se faisaient la guerre, et portaient de grands dommages matériels et humains les uns aux autres. Après son hégire de la Mecque à Médine, le grand prophète de l’unité (P), a réussi de façon très remarquable à établir la paix et l’amitié entre les membres des deux tribus ennemies. L’unité de ces deux tribus a créé un front uni très puissant dans la ville de Médine contre les ennemis de l’Islam à l’époque.

Le marché commun et le pouvoir économique des nations islamiques au Hajj

Les différentes dimensions du hajj – politiques, religieuses, diplomatiques, économique, sanitaires ou encore anthropologiques font partie de la philosophie du Hajj. Les discussions à cet effet restent très vastes.

Contrairement à ce que certaines personnes imaginent, l’utilisation du grand congrès du Hajj pour renforcer les bases financières des nations islamiques ne va pas à l’encontre de l’esprit du Hajj. Au contraire, selon les traditions islamiques, cela constitue l’une de ses philosophies.

Il faut se demander qu’y a-t-il de mal si les musulmans, lors de ce grand rassemblement, posaient les fondations d’un marché islamique commun et associé, et s’ils ouvraient la voie à des transactions commerciales entre eux de manière à ce que leurs bénéfices issus des échanges ne soient pas disparues dans les poches de leurs ennemis, et pour que leurs économies respectives devienne indépendante des autres. Certes, il faut considérer une telle initiative comme un acte d’adoration et de jihad (effort) au service d’Allah et pour sa satisfaction.

Nombreux commentateurs et érudits musulmans sont d’avis que l’un des objectifs du Hajj pourrait être le renforcement du statut commercial des musulmans et baliser le terrain pour les relations économiques et les coopérations plus étroites.

Une telle opportunité une fois utilisée d’une manière juste et organisée, peut résoudre les différents problèmes qui affligent la société islamique.

Une question qui peut encore venir à l’esprit est que pourquoi Dieu le Tout-Puissant a rendu un tel culte (le Hajj) obligatoire pour l’homme et pourquoi Dieu dont la puissance est infinie, et qui est connu comme juste, devrait légiférer un culte si difficile et si ardu ?  Cette question se pose plus sérieusement quand on comprend que les vertus et les dimensions du Hajj ne se limitent pas à ses aspects religieux et spirituels.

Dans les récits islamiques, il est même recommandé que si jamais les musulmans décident annuler le Hajj pendant un an, il est obligatoire pour le gouvernement islamique de les envoyer de force à La Mecque !

Faire attention aux bénédictions et aux potentiels immenses de ce culte et réfléchir à ses effets individuels et collectifs peuvent nous apporter des éclairages.

Le Hajj est un acte de culte important pour le développement humain. Le voyage du Hajj est une expérience divine.

Lorsque nous arrivons sur les lieux sacrificiels à Mina, les innombrables sacrifices qui y ont été effectuées nous laissent étonnés et perplexes. Est-il réellement possible que sacrifier un animal fasse partie des rituels associés à un acte de culte ?

Le Sacrifice est la pratique d’immoler un animal pour Allah. Chaque année, les jours de l’Aïd al-Adha se déroulent du 10 au 13 de Dhul Hijjah. Des musulmans du monde entier y sacrifient un animal pour marquer l’achèvement de leur pèlerinage. Cette pratique remonte à des milliers d’années et commémore le sacrifice d’Ibrahim (P) lorsqu’il fut prêt à sacrifier son propre fils par amour et soumission à Allah.

Le sacrifice ne se limite pas à la distribution de la viande d’un animal et n’est pas un simple rituel. En effet, le mot « Qurbani » (sacrifice) vient de l’arabe « qurban », qui tire son origine du mot « qurb » qui signifie « proximité ». Le but d’offrir un sacrifice est de se rapprocher d’Allah. À travers notre sacrifice, nous réaffirmons ce que nous oublions parfois dans l’agitation de nos vies quotidiennes : que nous nous soumettons complètement à Allah et que nous sommes prêts à sacrifier tout ce qui nous appartient pour être près de lui et gagner sa bénédiction, tout comme le prophète Ibrahim (P) l’a fait dans le passé. Les effets réformateurs et éducatifs de ces rites ne peuvent être pleinement compris que lorsque l’ensemble du scénario du sacrifice d’Ismaël et de l’état spirituel du père et du fils conduisant au sacrifice sont incarnés devant les yeux de l’homme, et que cet état spirituel exerce son influence sur lui.

Lorsque les fidèles musulmans se rendent à Jamarat (trois piliers de pierre que les pèlerins frappent avec des cailloux – chaque pilier devant être frappé avec sept cailloux – dans un rituel spécial du Hajj), les rituels symboliques liés à la lapidation du Satan nous semblent énigmatiques et inexplicables. On se demande quelle pourrait être la philosophie derrière le fait de lapider un pilier de pierre inanimé et quel problème un tel acte pourrait résoudre ?

Cependant, lorsque nous nous rappelons la lutte d’Ibrahim (P) – le champion du monothéisme – contre les murmures de Satan, qui lui est apparu à trois reprises – cherchant chaque fois à affaiblir sa détermination, à l’influencer pour qu’il désobéisse et à le détourner du Grand Jihad – et à chaque occasion, Ibrahim l’a repoussé à l’aide de pierres, ces rituels nous semblent plus significatifs et compréhensibles.

Ce rite transmet le sens suivant : Tout au long de votre vie, vous êtes également confrontés aux murmures et aux tentations de Satan lors de la plus grande bataille (le majeur Jihad qui est le combat livré contre soi-même et l’effort spirituel sur soi-même), et tant que vous ne les lapidez pas et ne les chassez pas, vous ne serez jamais victorieux.

Lorsqu’on arrive à Safa et Marwah, où on observe les gens se déplacer de manière répétée entre deux buttes rocailleuses situées à La Mecque à proximité de la Kaaba, sans rien obtenir – parfois en marchant et parfois en courant – on s’étonne et on se demande quel genre de rituel est-ce et quelle signification cela pourrait-il avoir?

Mais lorsqu’on se rappelle les efforts de Hajar, l’épouse d’Ibrahim (P) pour sauver la vie de son nourrisson dans ce désert chaud et aride en faisant sept allers-retours entre les deux collines, et du fait que comment Allah, après les efforts sincères de cette mère, a exaucé son vœu en faisant couler l’eau de Zamzam sous les pieds de son nouveau-né, tout s’éclaire.

Quiconque exécute le Sa’i (effort) entre Safa et Marwah doit se souvenir de sa douceur, de son humilité et de la nécessité pour Allah de guider son cœur, de mener ses affaires vers le succès et de pardonner ses péchés. Il devrait également vouloir qu’Allah élimine ses défauts et ses erreurs et le guide vers le droit chemin. Il devrait demander à Allah de le garder ferme sur ce chemin jusqu’à ce qu’il rencontre la mort, et de changer sa situation de celle du péché et des erreurs à celle de la perfection et du pardon, la même providence qui a été fournie à Hajar.

Contrairement à Tawaf (faire sept fois le tour de la Kaaba) où le fidèle concentre son esprit sur Allah, Sa’i entre Safa et Marwah symbolise la lutte continue qu’il rencontre tout au long de sa vie, tout comme Hajar. Cependant, grâce à son espoir et à sa détermination inébranlables (le fait de se remettre à Allah), ses supplications ont été répondues et ses besoins ont été satisfaits. Pour le pèlerin, Sa’i entre Safa et Marwah est un moment de méditation et de réflexion sur sa présence dans le monde physique.

Les souvenirs d’Ibrahim (P), de son fils et de sa femme devraient être personnifiés étape par étape, de sorte que non seulement la philosophie du Hajj soit perçue et saisie, mais encore ses profonds effets éthiques illuminent et influencent les âmes des fidèles pèlerins – car sans ces effets, tout le Hajj n’est qu’une aventure.

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