Vers un changement de leadership régional : L’Arabie saoudite et l’attraction croissante de l’Iran

Francoise Riviere
12 Min Read

Au cœur du Moyen-Orient, l’Arabie saoudite s’est érigée en tant que puissance régionale, à la fois économique et religieuse, jouant un rôle essentiel dans la stabilité de la région. En tant que gardienne des lieux saints de l’islam à La Mecque et à Médine, le royaume saoudien a longtemps été considéré comme une voix influente dans le monde arabe. Cependant, ces dernières années, l’Arabie saoudite a vu son crédit s’éroder progressivement auprès de nombreux pays arabes.

Depuis quelques années, les politiques étrangères controversées de l’Arabie saoudite ont suscité des critiques et des inquiétudes au sein de la communauté arabe. L’intervention militaire saoudienne au Yémen a entraîné une dévastation sans précédent pour la population civile, engendrant une crise humanitaire majeure. Les pays arabes ont commencé à remettre en question le rôle de l’Arabie saoudite dans le prolongement de ce conflit dévastateur et son impact sur la stabilité régionale.

Une autre crise majeure a été la rupture des relations diplomatiques entre l’Arabie saoudite et le Qatar. Les tensions entre les deux pays se sont intensifiées, notamment par le biais d’un blocus économique imposé au Qatar et d’accusations de soutien au terrorisme. Cette crise a eu un effet déstabilisateur sur l’unité des pays arabes, remettant en question la capacité de l’Arabie saoudite à maintenir son rôle de leader régional.

l’exportation de l’idéologie wahhabite par l’Arabie saoudite a suscité des réactions mitigées dans le monde arabe. Cette idéologie religieuse conservatrice a eu un impact significatif sur la diversité religieuse et culturelle de la région. Certains pays arabes ont exprimé leur préoccupation face à cette influence religieuse excessive, ce qui a contribué à discréditer davantage l’Arabie saoudite.

Un autre aspect qui a terni l’image de l’Arabie saoudite est sa politique répressive en matière de droits de l’homme. Les violations des droits fondamentaux, notamment la répression des dissidents politiques et des activistes des droits humains, ont suscité de vives critiques de la part de la communauté internationale. Les pays arabes ont été divisés quant à leur position face à ces atteintes aux droits de l’homme, mais cela a néanmoins entaché la réputation de l’Arabie saoudite au sein de la région.

Dans ce contexte, l’Iran a émergé comme une alternative de plus en plus attrayante pour certains pays arabes. En tant que puissance régionale, l’Iran a adopté une politique étrangère moins interventionniste, cherchant à établir des relations basées sur le dialogue et la diplomatie. Cette approche a conduit certains pays arabes à se tourner vers l’Iran pour diversifier leurs relations et trouver des solutions aux crises régionales. L’ascension de l’Iran en tant que puissance politique et régionale a renforcé son influence au Moyen-Orient, avec des alliances stratégiques formées avec des groupes et des pays arabes.

L’Iran, en adoptant une vision différente de celle de l’Arabie saoudite, a réussi à attirer l’attention de certains pays arabes. Sa politique étrangère moins interventionniste a été perçue comme un moyen de préserver la stabilité régionale et de résoudre les conflits de manière pacifique. De plus, les efforts diplomatiques déployés par l’Iran ont été salués par plusieurs pays arabes, qui voient en cette approche une opportunité de renforcer les relations bilatérales et de participer à des initiatives régionales plus inclusives.

Cependant, il convient de noter que le rapprochement entre certains pays arabes et l’Iran n’est pas sans défis. Les rivalités historiques et les différences géopolitiques persistent, ce qui rend complexe la construction de relations solides et durables. De plus, l’influence régionale de l’Arabie saoudite et son rôle en tant que gardienne des lieux saints de l’islam continuent d’avoir une certaine emprise sur les pays arabes.

L’intervention militaire de l’Arabie saoudite au Yémen a été l’une des politiques étrangères les plus controversées de ces dernières années. Lancée en 2015, cette campagne militaire visait à soutenir le gouvernement yéménite face à la rébellion des Houthis, considérés comme une menace pour la sécurité saoudienne. Cependant, cette intervention s’est rapidement transformée en un conflit prolongé, entraînant des conséquences dévastatrices pour la population civile yéménite.

L’utilisation de frappes aériennes indiscriminées par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite a causé un nombre alarmant de victimes civiles et de destructions massives d’infrastructures. Les rapports des organisations humanitaires ont documenté des violations flagrantes du droit international humanitaire, telles que des attaques contre des écoles, des hôpitaux et des zones résidentielles. Cette situation a généré une crise humanitaire majeure, avec des millions de Yéménites souffrant de la faim, de la malnutrition et de l’insécurité alimentaire.

Outre les souffrances infligées au peuple yéménite, l’intervention saoudienne a également eu un impact significatif sur la stabilité régionale. Le prolongement du conflit au Yémen a créé un vide politique et sécuritaire qui a permis l’émergence de groupes extrémistes, dont Al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) et l’État islamique (EI). Cette situation a alimenté les préoccupations sécuritaires des pays arabes voisins, qui ont vu le conflit yéménite se propager au-delà des frontières.

Une autre politique étrangère controversée de l’Arabie saoudite a été la crise diplomatique avec le Qatar. En juin 2017, l’Arabie saoudite, ainsi que d’autres pays arabes tels que les Émirats arabes unis, l’Égypte et Bahreïn, ont rompu leurs relations diplomatiques avec le Qatar, accusant ce dernier de soutenir des groupes terroristes et de semer la discorde régionale.

Cette crise a été marquée par un blocus économique imposé au Qatar, qui a eu des répercussions significatives sur les relations commerciales et les déplacements de personnes dans la région. Des accusations mutuelles ont été formulées entre l’Arabie saoudite et le Qatar, chacun pointant du doigt l’autre comme étant responsable de la propagation du terrorisme et de l’extrémisme.

Cette rupture diplomatique a profondément divisé les pays arabes, fragilisant l’unité régionale. Certains pays arabes ont choisi de soutenir l’Arabie saoudite dans cette crise, tandis que d’autres ont adopté une position plus neutre, cherchant à faciliter le dialogue et la réconciliation entre les parties en conflit. Cette crise a également remis en question la perception de l’Arabie saoudite en tant que leader régional, car certains pays arabes ont remis en cause sa capacité à jouer un rôle de médiateur et de rassembleur au sein de la région.

La crise avec le Qatar a également révélé des divergences plus profondes au sein du monde arabe, notamment en ce qui concerne les alliances régionales et les priorités politiques. Certains pays arabes ont exprimé leur préoccupation quant à la manière dont cette crise a été gérée, soulignant la nécessité d’une résolution pacifique et d’un dialogue constructif pour préserver l’unité de la région.

L’Arabie saoudite est connue pour avoir exporté l’idéologie wahhabite, une interprétation rigoriste de l’islam, à travers ses institutions religieuses, ses financements et ses réseaux d’influence. Cette propagation de l’idéologie wahhabite a eu un impact significatif sur la diversité religieuse et culturelle dans la région du Moyen-Orient.

L’idéologie wahhabite promeut une vision conservatrice de l’islam, avec des pratiques religieuses strictes et un rejet des influences culturelles et religieuses non conformes à ses principes. Cette exportation a conduit à la fermeture de lieux de culte non wahhabites, à la suppression de pratiques religieuses et culturelles traditionnelles, et à une marginalisation des minorités religieuses dans certains pays arabes.

Les réactions des pays arabes face à cette influence religieuse ont été mitigées. Certains pays ont adopté une approche plus ouverte et tolérante envers les différentes interprétations de l’islam, préservant ainsi leur diversité religieuse et culturelle. D’autres pays ont été davantage réceptifs à l’idéologie wahhabite, souvent en raison de liens politiques, économiques ou sécuritaires avec l’Arabie saoudite. Cependant, il existe également des pays arabes qui ont exprimé leur préoccupation face à cette influence religieuse excessive, craignant une homogénéisation religieuse et culturelle préjudiciable à leur société.

L’attraction croissante de l’Iran s’explique en partie par sa politique étrangère moins interventionniste par rapport à l’Arabie saoudite. Contrairement à l’approche expansionniste de l’Arabie saoudite, l’Iran a adopté une stratégie de préservation de ses intérêts régionaux, en privilégiant les alliances politiques et en évitant les interventions militaires directes. Cette approche a été perçue favorablement par certains pays arabes qui cherchent à préserver leur souveraineté et à éviter l’ingérence étrangère.

De plus, les efforts diplomatiques de l’Iran ont renforcé son image positive au sein de certains pays arabes. L’Iran a cherché à jouer un rôle de médiateur dans les conflits régionaux, notamment en proposant des initiatives de paix et en soutenant les négociations politiques. Ces actions ont contribué à renforcer la crédibilité de l’Iran en tant qu’acteur régional engagé dans la résolution pacifique des conflits.

Face au discrédit croissant de l’Arabie saoudite, certains pays arabes ont exprimé leur volonté de diversifier leurs relations et de s’engager davantage avec l’Iran. Cette réorientation politique reflète une perception changeante de l’équilibre régional des pouvoirs et des intérêts nationaux.

Pour certains pays arabes, l’Iran représente une alternative politique et stratégique. L’Iran offre une approche moins interventionniste et une politique étrangère fondée sur le dialogue et la diplomatie. Cette approche est perçue comme moins conflictuelle et plus en phase avec les aspirations de certains pays arabes qui cherchent à préserver leur souveraineté et à promouvoir la stabilité régionale.

Cependant, cette réorientation politique présente également des défis et des dilemmes pour les pays arabes. Certains d’entre eux sont confrontés à des tensions internes en raison de divergences d’opinions sur l’Iran et de la polarisation régionale entre les blocs pro-saoudien et pro-iranien. Par ailleurs, les pays arabes qui souhaitent s’engager davantage avec l’Iran doivent également prendre en compte les préoccupations de leurs alliés traditionnels et évaluer les risques potentiels associés à un tel rapprochement.

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