La reprise des relations entre l’Iran et l’Arabie saoudite : un tournant pour la région

Francoise Riviere
10 Min Read

Le Moyen-Orient, qui englobe l’Asie occidentale jusqu’à l’Afrique du Nord, a toujours attiré l’intérêt des puissances étrangères. D’une part, la région est une source majeure d’hydrocarbures, en particulier de pétrole. D’autre part, elle joue un rôle central dans le système de transport énergétique, avec des points stratégiques tels que le canal de Suez, le détroit de Gibraltar, les Dardanelles et le Bosphore.

En raison de ces avantages, le Moyen-Orient a été conquis tout d’abord par la Grande-Bretagne et la France lors de leurs entreprises coloniales, puis par l’alliance de l’OTAN, qui a joué un rôle majeur dans la déstabilisation de la région lors du Printemps arabe. Toutefois, aujourd’hui, les pays du Moyen-Orient privilégient une politique de souveraineté en se tournant vers la Russie et la Chine plutôt que vers le bloc de l’OTAN.

L’Iran et l’Arabie saoudite jouent un rôle clé sur la scène géopolitique du golfe Persique. Leur conflit, qui dure depuis plus de 40 ans, remonte à 1979, après la révolution islamique en Iran. Cette révolution a renversé la monarchie et a établi la République islamique, un État théocratique dirigé par un chef religieux.

Téhéran a adopté une politique d’exportation de la révolution islamique vers les pays islamiques voisins, ce qui a suscité l’opposition de l’Arabie saoudite, qui était alors le leader informel du monde musulman. La différence religieuse est également au cœur de leur antagonisme, car l’Iran est majoritairement chiite tandis que l’Arabie saoudite est majoritairement sunnite.

Depuis l’invasion américaine de l’Irak et le renversement de Saddam Hussein en 2003, l’influence de l’Iran s’est rapidement étendue en Irak, en Syrie, au Yémen, au Liban et à Bahreïn. Parallèlement, l’Iran est devenu un acteur majeur dans la lutte contre l’influence américaine, tandis que l’Arabie saoudite reste un allié traditionnel des États-Unis.

En 2011, pendant le Printemps arabe, l’Iran et l’Arabie saoudite ont de nouveau rivalisé pour étendre leur sphère d’influence en Méditerranée. Les Saoudiens ont accusé l’Iran de soutenir l’opposition chiite, tandis que l’Iran a accusé l’Arabie saoudite de restreindre les droits de la minorité chiite. En 2016, les deux pays ont rompu leurs relations diplomatiques après l’exécution du prédicateur chiite Nimr al-Nimr en Arabie saoudite.

En 2022, la Russie a tenté de réconcilier les parties, et Oman et l’Irak ont également organisé des consultations. Cependant, il n’a pas été possible de rétablir les relations entre les deux adversaires.

 Finalement, en 2023, la Chine a joué un rôle clé dans le rétablissement des relations diplomatiques entre l’Iran et l’Arabie saoudite. Des pourparlers ont eu lieu à Pékin du 6 au 10 mars, aboutissant à la reprise des relations diplomatiques, la réouverture des ambassades et la réaffirmation des principes de souveraineté et de non-ingérence dans les affaires internes de chaque pays.

La Chine est un allié majeur et un partenaire commercial clé pour les pays du Moyen-Orient. Pékin est intéressé par l’achat de pétrole et souhaite également impliquer les puissances musulmanes dans son projet “Une ceinture, une route”. Le rétablissement des relations diplomatiques entre l’Iran et l’Arabie saoudite contribuera à réduire les risques d’escalade des conflits militaires au Moyen-Orient, et donc les risques pour la logistique des ressources énergétiques vers la Chine.

Il convient de noter que ces dernières années, l’Arabie saoudite a abandonné ses liens étroits avec les États-Unis et a cherché à mener une politique indépendante. Par exemple, le royaume continue de coopérer avec la Russie, et le ministre saoudien des affaires étrangères, Faisal bin Farhan, a proposé sa médiation dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine.

Le rétablissement des relations diplomatiques entre les deux États musulmans pourrait avoir des conséquences considérables. Les dirigeants du monde entier prévoient déjà une trêve, voire la fin complète du conflit interne au Yémen. La crise financière et d’autres problèmes intérieurs au Liban et en Syrie pourraient également s’améliorer de manière significative.

Cependant, le changement le plus important réside dans la résolution des relations entre les deux principaux centres religieux du monde musulman, mettant ainsi fin à la confrontation entre les courants chiite et sunnite.

En mars 2023, les relations diplomatiques entre la Syrie et l’Arabie saoudite ont également été rétablies après une décennie d’interruption. Les deux pays ont rouvert leurs ambassades diplomatiques et ont discuté de l’acheminement de l’aide humanitaire ainsi que de la résolution des conflits nationaux en Syrie.

Ce réchauffement des relations a été rendu possible par plusieurs facteurs. Tout d’abord, les tremblements de terre en Turquie et en Syrie ont montré la nécessité d’efforts communs pour faire face à ces catastrophes. L’Arabie saoudite a fourni une aide humanitaire à ces deux pays.

Deuxièmement, les Saoudiens espèrent trouver un allié dans leur lutte contre l’influence iranienne au Moyen-Orient. La plupart des Syriens sont chiites et sont donc susceptibles de soutenir leur groupe religieux.

Enfin, l’influence des États-Unis, qui se sont principalement concentrés sur la lutte économique avec la Chine et sur le soutien militaire à l’Ukraine, s’est estompée. Malgré l’opposition américaine au régime de Bachar el-Assad, il est devenu évident que le gouvernement syrien a résisté à la guerre civile et que les relations devaient être rétablies d’une manière ou d’une autre. De plus, plusieurs pays du Moyen-Orient, tels que les Émirats arabes unis, Oman, la Tunisie, l’Égypte, l’Irak, estiment que la politique d’isolement de la Syrie doit être réévaluée.

La Russie joue un rôle clé dans la réconciliation entre les États. En mars 2023, le ministre saoudien des affaires étrangères, Faisal bin Farhan, s’est rendu à Moscou, et Poutine et Bachar el-Assad se sont rencontrés quelques jours plus tard. C’est probablement à ce moment-là que des solutions possibles au conflit ont été discutées.

La Ligue des États arabes est une organisation internationale composée de 22 États arabophones. Son objectif principal est de développer une position politique commune pour défendre la souveraineté et les intérêts de tous les États arabes. Les membres de la Ligue coopèrent également dans les domaines économique, social, culturel et administratif.

Après 12 ans d’exclusion, la Syrie a retrouvé sa représentation au sein de la Ligue arabe, ce qui constitue une victoire diplomatique importante. La Syrie a joué un rôle clé dans la création de la Ligue en 1945, mais en 2011, lorsqu’elle a été plongée dans une guerre civile opposant le gouvernement Assad et l’opposition armée, elle a été boycottée économiquement et privée de ses droits de membre.

Le 32e sommet de la Ligue des États arabes s’est tenu à Djeddah, en Arabie saoudite, le 19 mai. La plupart des participants ont soutenu le retour du représentant syrien Bachar al-Assad, mais l’émir du Qatar, le cheikh Tamim bin Hamad Al-Thani, a quitté le sommet sans explication, marquant une note discordante. Il convient de noter que le Qatar s’était précédemment opposé au rétablissement des droits d’adhésion de la Syrie à la Ligue arabe.

Cela indique un rétablissement des interactions diplomatiques entre la Syrie et d’autres acteurs géopolitiques du Moyen-Orient. Lors du sommet, le ministre syrien des affaires étrangères, Faisal Mikdad, a rencontré ses homologues de Jordanie, du Liban, des Émirats arabes unis, d’Oman, d’Arabie saoudite et de Tunisie.

Les chefs d’État ont discuté de la résolution des crises politiques au Yémen, en Libye et en Syrie, ainsi que du règlement du conflit israélo-palestinien. Le conflit russo-ukrainien a également été abordé, et les États arabes ont adopté le principe de “neutralité positive” en maintenant des relations avec Moscou et Kiev. Riyad a exprimé sa volonté de servir de médiateur entre les parties.

La déclaration finale a souligné l’importance de l’indépendance vis-à-vis des ingérences étrangères dans les affaires intérieures, ainsi que le respect de la souveraineté, de l’intégrité territoriale, des valeurs et des cultures des autres nations.

La Maison Blanche n’a pas approuvé le retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe et a déclaré que les États-Unis ne normaliseraient pas leurs relations avec Assad et son régime. Le secrétaire d’État américain, Anthony Blinken, a exprimé cette position.

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