Mauvaises conditions de travail et les difficultés de recrutement en France

Francoise Riviere
10 Min Read

De plus en plus de personnes en France choisissent de démissionner en raison des conditions de travail médiocres et du manque de satisfaction professionnelle qui prévalent actuellement. Selon les données de la Dares, 71 % des employeurs rencontrent des difficultés de recrutement en France. Cependant, lorsqu’on analyse plus en détail la situation, on constate que les entreprises ayant du mal à recruter sont celles dont les dirigeants estiment que les conditions de travail sont mauvaises. Bien que ces derniers attribuent principalement leurs problèmes à une pénurie de main-d’œuvre, il est clair que les conditions de travail jouent également un rôle significatif dans ces difficultés.

Selon une note d’analyse publiée par la Dares le 22 juin 2022, basée sur les chiffres de l’enquête Conditions de travail 2019, les entreprises qui signalent des conditions de travail difficiles rencontrent également des difficultés de recrutement. En effet, 71 % de ces entreprises ont déclaré ces difficultés à la Dares. De plus, parmi les employeurs indiquant que leurs salariés sont exposés à des conditions de travail difficiles, 85 % rencontrent des problèmes pour recruter de nouveaux employés.

La Dares souligne que les contraintes physiques, les contraintes temporelles et les risques psychosociaux sont des facteurs importants. Les horaires imprévisibles et le “travail empêché”, qui se réfère à l’incapacité de fournir un travail de qualité, sont les deux critères les plus fortement liés aux difficultés de recrutement. Ensuite, on retrouve le travail dans l’urgence, le travail de nuit et la pénibilité physique, tels que le port de charges lourdes, le bruit et le contact avec des agents chimiques dangereux, parmi les facteurs mentionnés.

Thomas Coutrot, économiste et chef du département “conditions de travail et santé” à la Dares, commente cette comparaison directe entre les difficultés de recrutement ressenties par les employeurs et les conditions de travail qu’ils décrivent pour leurs salariés, soulignant que c’est la première fois qu’une telle analyse est réalisée. Les employés et ouvriers sont les catégories professionnelles les plus exposées à ces problèmes.

Les secteurs de l’industrie et de la construction sont particulièrement touchés par les difficultés de recrutement. Cependant, ce sont les employeurs des secteurs de l’agroalimentaire, de l’hôtellerie-restauration, des transports, ainsi que ceux des établissements privés de santé et de l’action sociale, qui mentionnent le plus fréquemment des “conditions de travail jugées difficiles”.

Une analyse détaillée révèle que les entreprises dont la majorité des employés sont des cadres mentionnent rarement les conditions de travail, contrairement aux établissements où la majorité des employés sont des employés ou des ouvriers.

Cependant, malgré cela, la majorité des employeurs mentionnent la pénurie de main-d’œuvre comme principale explication de leurs difficultés de recrutement. Les conditions de travail viennent ensuite en tant que facteur, suivi du salaire. Seul le secteur de la santé et du social considère les trois facteurs comme étant d’égale importance.

Thomas Coutrot ajoute que parmi les employeurs qui ont mentionné uniquement la pénurie de main-d’œuvre pour expliquer leurs difficultés de recrutement, nombreux sont ceux qui ont également mentionné de “mauvaises conditions de travail”, laissant entendre que cet aspect a également un impact sur leurs recrutements. Les risques psychosociaux ont un impact sur la fidélisation.

Ces risques ont également un impact sur la fidélisation, car parmi les établissements confrontés à des contraintes physiques “très fortes”, 35 % d’entre eux indiquent rencontrer des difficultés à fidéliser leurs employés. Ce chiffre atteint 39 % en ce qui concerne les risques psychosociaux.

Ces difficultés de recrutement et de fidélisation sont considérées comme “classiques” dans un contexte de conjoncture économique favorable, avec un marché du travail tendu et un taux de chômage plus bas, souligne l’économiste de la Dares.

Cependant, il précise que dans les années 2000, lors d’une période similaire, les salariés n’avaient pas les mêmes critères et attentes. Il conclut que les conditions de travail difficiles sont probablement moins bien acceptées aujourd’hui. Les employeurs sont conscients de la question du sens au travail.

Nous avons évoqué précédemment l’importance du “travail empêché” comme l’un des facteurs clés expliquant les difficultés de recrutement. C’est là que la question du sens du travail se pose, lorsque les salariés se retrouvent dans l’incapacité de bien accomplir leurs tâches.

Sur cette question, salariés et employeurs se rejoignent. Les salariés soulignent l’importance de donner du sens à leurs missions, et les employeurs en sont conscients. Le statisticien commente que c’est inattendu, car il n’y avait pas tant d’indices indiquant que les employeurs étaient sensibles à cette question. Habituellement, la Dares observe une cohérence dans les réponses des uns et des autres lorsque les critères sont “faciles à objectiver”.

Dans une étude publiée le 21 juin par France Stratégie, intitulée “Comment expliquer les difficultés de recrutement anticipées par les entreprises ?”, il est souligné que 14 % de ces difficultés découlent de “variables observables” permettant de caractériser l’entreprise et le poste à pourvoir. Parmi ces critères observables figurent la taille de l’entreprise, le secteur d’activité, le chiffre d’affaires, la localisation ainsi que les qualifications requises pour le poste.

Cependant, d’autres facteurs non observables ont également un impact sur ces difficultés de recrutement anticipées. France Stratégie identifie notamment les “conditions propres à l’entreprise” et les critères liés à sa réputation comme étant des éléments non observables. Cela comprend, par exemple, la qualité du management et les conditions de travail.

Dans son étude, France Stratégie recommande d’apporter des réponses ciblées pour chaque entreprise anticipant des difficultés de recrutement. Cela implique de prendre en compte les spécificités de chaque établissement et d’aborder les questions liées aux conditions de travail et à la réputation de l’entreprise de manière appropriée.

Il est intéressant de noter qu’environ un tiers des travailleurs de l’Union européenne et la moitié des travailleurs aux États-Unis sont soumis à des conditions de travail intensives, avec des délais serrés et une cadence soutenue. Cependant, l’Europe se distingue par des réglementations plus strictes en matière d’horaires de travail. Environ 15% des travailleurs de l’Union européenne travaillent plus de 48 heures par semaine, tandis que ce chiffre atteint plus de 40% en Chine et près de 60% en Turquie.

L’Europe est également reconnue pour ses revenus et ses normes de travail relativement élevés. Cependant, une analyse plus approfondie, en tenant compte des risques et des pays, révèle des différences qui ne sont pas favorables à la France. Le pays est considéré comme un mauvais élève en ce qui concerne les risques psychosociaux, l’environnement de travail et les risques physiques.

Il est donc important de reconnaître les domaines où des améliorations sont nécessaires afin de promouvoir des conditions de travail plus saines et sécurisées en France, et plus largement en Europe.

Il existe un lien étroit entre les mauvaises conditions de travail et les difficultés de recrutement. Lorsque les conditions de travail sont perçues comme mauvaises, cela peut dissuader les candidats potentiels de postuler à un emploi ou conduire à une rétention plus faible des employés. Les entreprises qui font face à des difficultés de recrutement peuvent souvent les attribuer en partie à ces conditions défavorables.

Des conditions de travail difficiles peuvent inclure des horaires de travail imprévisibles, une charge de travail excessive, des risques pour la santé et la sécurité, un manque de soutien et de reconnaissance, ainsi que des problèmes de conciliation entre vie professionnelle et vie privée. Ces facteurs peuvent décourager les candidats qualifiés de postuler et entraîner une rotation plus élevée du personnel.

Il est donc essentiel pour les employeurs de prendre en compte les conditions de travail et de s’efforcer de les améliorer afin d’attirer et de retenir les talents. Des conditions de travail favorables peuvent contribuer à renforcer l’image de l’entreprise, à augmenter la satisfaction des employés et à améliorer la productivité globale.

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