Armer l’Ukraine : les stocks de munitions de l’armée française s’épuisent

Francoise Riviere
9 Min Read

Un rapport parlementaire français soulève l’extrême faiblesse des stocks de munitions de l’armée française. ” Une situation alarmante “, ont déjà averti en février, les députés publiant un rapport parlementaire.

Depuis février 2022 et le début de la guerre en Ukraine, Kiev a reçu une vaste gamme d’équipements militaires. Alors que les pays occidentaux et les Etats-Unis en tête, fournissent des armes à Kiev, les expertes s’alarment sur le risque que ce soutien massif vide les stocks de la défense américaine et européenne.

Selon le “Ukraine Support Tracker” du Kiel Institute pour l’Economie du Monde, les pays ayant le plus investi dans le soutien militaire à l’Ukraine jusqu’à présent sont les États-Unis, le Royaume-Uni, la Pologne et l’Allemagne.

Et parmi les pays de bloc de l’Ouest, la France à la cinquième place, n’a pas cessé de fournir à Kiev de l’armement souvent pris sur les stocks de son armée. L’ampleur des dons d’armes françaises aux Ukrainiens a mis en pression les stocks et fortement réduit les propres fournitures de France.

Le 4 janvier dernier, le président Emmanuel Macron a annoncé un nouveau cap dans l’aide à l’armée ukrainienne avec la livraison future d’engins blindés AMX 10RC.

L’élément la plus important qui a beaucoup fait parler de lui dans l’actualité : le canon CAESAR dont 18 ont été livrés à l’Ukraine. Outre les canons, la France fournit à l’Ukraine des obus Bonus, des projectiles « intelligents » de 155 mm destinés à détruire les véhicules blindés fabriqués par le français Nexter et le suédois BAE Systems Bofors. Cette liste serait plus longue avec un lot de canons TRF1, 2 Lance-Roquettes Unitaires, 2 batteries Crotale NG,60 Véhicules de l’Avant Blindé, 20 véhicules blindés Bastion et enfin des AMX 10RC inscrits au programme de prochains mois.

De plus, lors d’un diner à l’Élysée avec Emmanuel Macron, Volodymyr Zelensky le président ukrainien a obtenu le 15 mai plusieurs garanties. Les deux pays, dans une déclaration conjointe, ont annoncé que la France allait fournir une formation et un équipement à plusieurs bataillons ukrainiens, y compris des dizaines de véhicules blindés et de chars légers, y compris l’AMX-10RC.

En renforçant ses “efforts sur le soutien des capacités de défense aérienne de l’Ukraine”, la France a mis l’accent sur le fait qu’il a déjà livré des systèmes anti-aériens de courte portée Mistral, de moyenne portée Crotale et examine avec l’Italie la livraison de systèmes sol-air plus sophistiqués SAMP/T.

Selon l’Élysée, “En plus de sa contribution nationale, la France participe activement aux mesures de l’Union européenne et de l’Otan en matière d’assistance militaire à l’Ukraine et de formation des soldats ukrainiens”.

Cependant, l’ampleur de ces transferts d’armes vers l’Ukraine commence à inquiéter certains experts militaires. Ils redoutent une diminution inquiétante et durable des stocks d’armements en France, en particulier dans le contexte de la pandémie de COVID-19, qui a affecté les chaînes d’approvisionnement mondiales. Ils ont mis en garde contre un risque de pénurie si cette tendance persiste ou si le combat continue.

Lors d’un entretien diffusé par RFI en Mars 2022, le président de la commission sénatoriale des Affaires étrangères et de la Défense, Christian Cambon avait déclaré que les forces françaises manquaient “d’épaisseur ” en matière de munitions pour soutenir un conflit de ” longue durée “.

Puis quatre députés [Julien Aubert, Laurence Trastour-Isnart, Bernard Bouley et Claude de Ganay, ndlr] ont interpellé Florence Parly, la ministre des Armées, en lui demandant de préciser les “mesures engagées “, estimant que les forces françaises pourraient être à court de munitions “en seulement quatre jours de conflit de haute intensité “.

De même, c’est le tour de Général Christophe Gomart, ancien chef du renseignement militaire, invité d’Europe 1 le 29 décembre 2022 pour s’alarmer le risque de la baisse de nos stocks.

Soulignant que son pays a la première armée européenne, mais également des engagements ailleurs dans le monde”, il avait déclaré : Donc, notre pays a besoin de garder des moyens et en particulier, des munitions et des canons.

Alors, la France doit piocher dans ses ressources pour soutenir l’Ukraine face à l’ennemi russe. Un soutien nécessaire mais qui oblige la France à se désarmer en armant Kiev, met en garde le Général. “On s’est dépoilé, pardonnez-moi l’expression”, conclut-il.

Le niveau des stocks de munitions de l’armée française et le manque d’investissement dans la défense sol-air sont des préoccupations soulevées dans deux rapports parlementaires, publié au février 2023.

Le premier, rédigé par les députés Vincent Bru et Julien Rancoule, porte sur le niveau «préoccupant» des stocks de munitions. Calculés au plus juste, ceux-ci ont été mis à contribution pour soutenir l’effort de guerre en Ukraine. Le second, sous la plume de Jean-Louis Thiériot et Natalia Pouzyreff, s’intéresse aux moyens de défense sol-air français, abîmés par trois décennies de sous-investissement.

Aujourd’hui, les infos sur le remplacement de ceux envoyés en Ukraine par la France pourraient être considérées comme un signe d’épuisement des stocks français. Selon les médias français le ministère français des Armées prévoit de renouveler des stocks d’armes en commandant 130 blindés supplémentaires (38 Jaguar et 92 Griffon) afin de remplacer les chars légers AMX-10 et véhicules de l’avant blindé (VAB) cédés à l’Ukraine.

Depuis le début de l’année, la France a livré plusieurs dizaines de véhicules blindés, de véhicules de reconnaissance armés et de transports de troupes à l’Ukraine, le nombre précis n’étant pas divulgué.

Selon le Point, le projet de loi de programmation militaire prévoit 413,3 milliards d’euros de ressources pour les armées entre 2024 et 2030. Pour porter l’effort dans certains domaines clés, le gouvernement a prévu d’étaler la livraison de nombreux matériels.

Aujourd’hui, certains experts se demandent jusqu’où ira l’équipement de l’Ukraine, tandis qu’une autre question est soulevée en dehors des inquiétudes liées aux stocks d’armes dans les pays occidentaux : la récente décision des pays de livrer à l’Ukraine des chars lourds a inquiété certains observateurs sur la perspective de la paix qui s’éloigne chaque jour un peu plus.

Mme Izumi Nakamitsu, Haute-Représentante des Nations Unies pour les affaires de désarmement, a déclaré le 8 février 2023, devant le Conseil de sécurité, que la perspective d’un règlement négocié s’éloigne tant « la logique militaire continue de prévaloir ».

Selon la Fédération de Russie, le véritable défi actuel réside dans le fait que l’industrie de l’armement occidentale détient les leviers qui pourraient influencer la recherche d’une solution pacifique, mais qu’elle est la dernière à vouloir la paix. Au cours des trois derniers mois de 2022, les entreprises concernées ont enregistré une hausse de plus de 20% de leurs productions grâce à un flux continu de livraisons et de nouvelles commandes.

La guerre en Ukraine consomme toujours une énorme quantité de munitions et épuise les stocks de non-seulement la France mais aussi d’autres alliés.

“L’aide militaire occidentale à Kiev pourrait avoir des conséquences imprévisibles”, a déjà avertit à plusieurs reprises Moscou. La Russie a mis en garde contre des “conséquences imprévisibles”.

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