De plus en plus de français se tournent vers les banques alimentaires alors que l’inflation monte en flèche

Francoise Riviere
7 Min Read

Quelque 2,4 million de Français bénéficiaient de l’aide alimentaire à la fin de l’année 2022, soit trois fois plus qu’il y a dix ans, selon une étude publiée cette semaine. Plus d’un tiers des bénéficiaires sont de nouveaux arrivants, un phénomène lié à la forte hausse de l’inflation au cours des six derniers mois.
Les recherches menées par l’Institut de sondage CSA ont révélé que les français aux revenus modestes se tournent plus régulièrement vers les organisations d’aide alimentaire à mesure que les prix des supermarchés grimpent.
Près de 60 % des bénéficiaires ont recours aux banques alimentaires une ou deux fois par semaine, soit une augmentation de 6 % par rapport à 2020.
Après le logement, l’alimentation est devenue leur deuxième dépense la plus importante, devant les factures d’eau et d’énergie.
L’aide alimentaire est considérée comme “essentielle” par deux tiers des 1 223 personnes interrogées, soit une augmentation de 15 points en deux ans.
La demande auprès des banques alimentaires, en constante augmentation depuis trois ans, est due aux retombées de la crise du Covid et aux pertes d’emploi, explique Laurence Champier, directrice de la Fédération française des banques alimentaires.
L’enquête coïncide avec des données indiquant que l’inflation a augmenté pour le deuxième mois consécutif en février, atteignant 6,2 %.
En outre, le conflit en Ukraine a fait augmenter le coût des ingrédients de base tels que le blé, ce qui exerce une pression supplémentaire sur les budgets alimentaires.
“Des populations aux profils plus diversifiés ont désormais recours à l’aide alimentaire”, explique-t-elle, soulignant l’augmentation du nombre de retraités ayant besoin d’aide. “Même les personnes ayant un emploi n’arrivent toujours pas à joindre les deux bouts”, ajoute Mme Champier.
De plus, le nombre de sans-abri a doublé au cours de la dernière décennie en France et ils sont déjà environ 330 000, selon des données révélées par la Fondation Abbé Pierre [FAP].
La fondation estime que le nombre de personnes sans domicile fixe, en hébergement d’urgence ou dans un centre pour demandeurs d’asile a augmenté de près de 130% depuis 2012, date de la dernière étude de l’Institut français de la statistique [INSEE] sur la question.
Ce chiffre comprend quelque 200 000 personnes en hébergement d’urgence, en plus des 110 000 migrants en centre d’accueil ou demandeurs d’asile, auxquels s’ajoutent quelque 27 000 sans-abri, contraints de dormir dans la rue, dans le métro, sous le camping d’un magasin ou dans une voiture.
Comme les années précédentes, la FAP a vivement critiqué le gouvernement du président Macron et a estimé que 2022 était “une année vide ou presque” en matière de lutte contre la précarité du logement.
“On a rarement vu un écart aussi important entre la situation de l’habitat précaire (…) et l’insuffisance des réponses publiques pour rendre le logement plus abordable”, indique la fondation dans son rapport annuel, dans lequel elle souligne que l’inflation est amorcée par les logements les plus modestes.
Au total, 4,15 millions de personnes vivent dans de mauvaises conditions de logement, estime la fondation, ce qui inclut les personnes sans logement personnel, celles vivant dans un endroit beaucoup trop petit pour elles, ou privées des commodités de base, comme la cuisine, les toilettes, le chauffage.
Le “halo” du mal-logement, qui comprend des situations comme la précarité énergétique ou les locataires en situation d’impayés, concerne 12,1 millions de personnes, selon les calculs de la FAP, soit plus d’un sixième de la population.
Cette année, dans un chapitre intitulé “Le genre du mal-logement”, la FAP s’est intéressée aux vulnérabilités spécifiques dont souffrent les Françaises. Elles risquent, révèle l’étude, de tomber dans le mal-logement à quatre moments de la vie : le départ du domicile familial, la séparation conjugale, l’héritage et le veuvage.
L’inflation, qui s’est fortement accélérée en 2022, met en difficulté les ménages à faibles revenus en augmentant leurs coûts contraints (logement, déplacements, alimentation), note la fondation.
Par exemple, une famille monoparentale, peut rapidement se retrouver dans le rouge simplement en payant ces dépenses croissantes, explique la fondation.
Comme les années précédentes, la FAP étrille le gouvernement, jugeant que 2022 a été “une année blanche ou presque dans la lutte contre le mal-logement”.
“L’écart a rarement paru aussi important entre, d’une part, l’état du mal-logement et, d’autre part, l’insuffisance des réponses publiques pour rendre le logement abordable”.
Les aides distribuées pour atténuer l’impact de l’inflation, comme le bouclier tarifaire, ne sont pas, selon le rapport, suffisamment ciblées.
Les aides à la rénovation des logements MaPrimeRénov’, dont l’enveloppe a été augmentée dans le budget 2023, sont jugées insuffisantes car elles financent peu de rénovations efficaces et laissent aux plus pauvres une charge insurmontable.

“Pour les plus riches, d’un côté, des mesures permanentes, massives ; pour les plus pauvres, de l’autre, des mesures ponctuelles”, s’est indigné le délégué général de la fondation, Christophe Robert.
L'”effort public pour le logement”, regroupant les aides à la personne et à la production, ne représente en 2021 que 1,5 % du produit intérieur brut, un chiffre qui n’a jamais été aussi bas depuis au moins 1991, affirme la FAP.
L’encadrement des loyers, et la lutte contre les locations saisonnières de type Airbnb, sont encore trop timides, ajoute-t-il.
Concernant le logement social, les mesures d’économies du premier quinquennat d’Emmanuel Macron ont été maintenues, malgré la hausse du taux du livret A qui a alourdi la dette des bailleurs sociaux.
L’État mène même des politiques “parfois contre les pauvres”, affirme la Fondation, citant la réforme de l’assurance chômage, qui vise à réduire la durée d’indemnisation, ou le projet de loi anti-squatteurs.
Au plus urgent, si le gouvernement a renoncé à supprimer des places en hébergement d’urgence, “le fait même qu’il ait envisagé de les réduire est pour nous un signal plutôt inquiétant”, a jugé Christophe Robert.
Mercredi, lors de la présentation officielle du rapport à la Maison de la Mutualité à Paris, le ministre délégué à la Ville et au Logement, Olivier Klein, devrait répondre aux critiques et présenter le nouveau plan “Logement d’abord”, qui vise à faciliter le retour au logement des personnes sans domicile.

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