L’Iran met en garde la France contre les caricatures « insultantes » représentant le guide suprême de la Révolution islamique. La publication par le magazine satirique français Charlie Hebdo « n’ira pas sans réponse efficace », a déclaré le ministre des Affaires étrangères. L’Iran a convoqué l’ambassadeur de France pour la publication des caricatures du guide suprême de la Révolution, l’ayatollah Ali Khamenei, dans le magazine satirique Charlie Hebdo. L’hebdomadaire a publié des dizaines de caricatures ridiculisant la plus haute personnalité religieuse et politique de la république islamique dans le cadre d’un appel qu’il a lancé en décembre en soutien au mouvement de protestations qui a débuté en Iran en septembre dernier. Plus tard, le ministère iranien des Affaires étrangères a déclaré avoir convoqué l’ambassadeur de France, Nicolas Roche. « La France n’a pas le droit d’insulter les caractères sacré des autres pays et nations musulmans sous prétexte de la liberté d’expression » , a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Nasser Kanani. « L’Iran attend les explications et les mesures compensatoires du gouvernement français pour condamner le comportement inacceptable de la publication française ».
Le ministre des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, a annoncé sur tweeter : « L’acte insultant et indécent d’une publication française en publiant des caricatures contre les autorités religieuses et politiques ne restera pas sans une réponse efficace et décisive ». Sans en préciser les détails, il a ajouté : « Nous ne permettrons pas au gouvernement français d’aller au-delà de nos limites. Ils ont définitivement choisi la mauvaise voie ». Considéré par les supporters comme un champion de la liberté d’expression et par les critiques comme inutilement provocateur, Charlie Hebdo fait polémique même en France. Mais le pays était uni dans la douleur lorsqu’en janvier 2015, le magazine a été la cible d’une attaque meurtrière par des hommes armés islamistes qui prétendaient venger la décision de publier des caricatures du prophète Mahomet. Le dernier numéro de Charlie Hebdo présente les gagnants d’un récent appel de caricatures dans lesquelles les participants ont été invités à dessiner les caricatures les plus offensantes du guide suprême de la Révolution islamique, qui occupe la plus haute fonction iranienne depuis 1989. Dans l’une des caricatures une ecclésiastique se noie dans le sang, tandis qu’un autre est accroché à un trône géant au-dessus des poings levés des manifestants. D’autres mettent en scène des scènes plus vulgaires et sexuellement explicites.
« C’était une façon de montrer notre soutien aux Iraniens et aux Iraniennes qui risquent leur vie pour défendre leur liberté contre la théocratie qui les opprime depuis 1979 », a écrit le directeur de Charlie Hebdo, Laurent Sourisseau. Toutes les caricatures publiées ont eu « le mérite de défier l’autorité que prétend être le guide suprême de la Révolution, ainsi que la cohorte de ses serviteurs et autres subires », a-t-il ajouté. Nathalie Loiseau, eurodéputée française et ancienne ministre fidèle au président français Emmanuel Macron, a qualifié la réponse de l’Iran de « tentative d’ingérence et de menace envers Charlie Hebdo ». « Soyons parfaitement clairs, le régime répressif et théocratique de Téhéran n’a rien à apprendre à la France », a-t-elle déclaré.
La république islamique a été confrontée par trois mois de manifestations déclenchées par la mort en détention le 16 septembre 2022 de Mahsa Amini, une Kurde iranienne qui a été arrêtée pour avoir prétendument enfreint le code vestimentaire du pays pour les femmes. Il a été suivi par une tumulte qui, selon les autorités du ministère de l’Intérieur, au moins 200 personnes participant aux manifestations ont été tués. Les responsables iraniens ont généralement décrit les manifestations comme des émeutes. Charlie Hebdo a publié les caricatures dans une édition spéciale pour marquer l’anniversaire de l’attentat meurtrier contre son bureau parisien, qui a fait 12 morts, dont certains de ses dessinateurs les plus connus. « Huit ans plus tard, l’intolérance religieuse n’a pas dit son dernier mot. Il poursuit son travail au mépris des protestations internationales et du respect des droits de l’homme les plus élémentaires », a déclaré le directeur de la publication.
Les musulmans se vengeront « tôt ou tard » du journal satirique français Charlie Hebdo pour avoir publié des caricatures du guide suprême de la Révolution islamique jugées « insultantes » par Téhéran, a déclaré le chef du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) iranien. Le journal a publié la semaine dernière des caricatures du guide suprême de la Révolution islamique en soutien aux manifestations en cours en Iran, provoquant la colère de la République islamique et de ses alliés. Vous avez fait une grosse erreur, mais tôt ou tard les musulmans se « vengeront, et vous arrêterez peut-être les vengeurs, mais les morts ne reviendront pas à la vie », a déclaré le major-général Hossein Salami, cité par l’Agence de presse ILNA.
Salami a également fait référence à l’attaque contre le romancier Salman Rushdie en août et a averti que le personnel de Charlie Hebdo pourrait être victime d’actes similaires. « Je renvoie les Français et les dirigeants de cette institution (Charlie Hebdo) au sort de Salman Rushdie ». Rushdie a été poignardé le 12 août alors qu’il se préparait à prendre la parole lors d’un événement dans l’ouest de New York. Il avait longtemps fait face à des menaces de mort pour son quatrième roman, « Les versets sataniques », publié en 1988. En 1989, ayatollah Ruhollah Khomeiny, le guide suprême de la Révolution à l’époque, a prononcé une fatwa ou édit religieux, qui appelait au meurtre de Rushdie et toute personne impliquée dans la publication du livre pour blasphème. Le groupe libanais du Hezbollah soutenu par l’Iran a également condamné les caricatures et appelé la France à punir Charlie Hebdo. Le guide suprême de la Révolution islamique n’est pas seulement un leader politique mais « un symbole religieux pour des dizaines de millions de croyants », a déclaré le groupe dans un communiqué.
