Le gouvernement français échappe aux motions de censure dans le cadre des négociations budgétaires

Francoise Riviere
8 Min Read

Les motions de censure contre Macron divisent la gauche en France. Le président français propose une alliance à la droite gaulliste pour gouverner avec une majorité stable. Au sein du groupe de la gauche française à l’Assemblée nationale, les expressions allaient de la satisfaction à la perplexité. Une motion de censure déposée le 24 octobre par la coalition d’anticapitalistes, de socialistes, d’écologistes et de communistes venait d’obtenir les voix surprises du Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen, parti d’extrême droite.
Il s’agit de la première d’une série de motions de censure que l’opposition de gauche et d’extrême droite ont déposé séparément en réponse à l’utilisation par le gouvernement français de l’article 49.3 de la Constitution. Cet article permet de mettre fin aux débats sur une loi et de l’adopter sans vote, comme un décret. La seule façon de l’arrêter est une motion de censure. Lors de cette première motion de l’année politique, la somme des voix de la gauche et de l’extrême droite, 239, n’est passée qu’à 50 voix de la majorité absolue qui aurait fait tomber le gouvernement de la Première ministre d’Emmanuel Macron, Élisabeth Borne. Il lui manquait les voix des Républicains (LR), le parti de la droite modérée, quatrième groupe de l’Assemblée nationale.
La manœuvre astucieuse de Le Pen a secoué les partis. Une partie de la gauche, les anticapitalistes et les eurosceptiques de Jean-Luc Mélenchon, célèbre le résultat. « La droite a sauvé de justesse le gouvernement », a déclaré Mélenchon, qui n’est pas député mais dirige son parti, La France Insoumise (LFI). « Il nous manquait 50 voix pour renverser le gouvernement. Nous sommes prêts à prendre le relais. Les dirigeants de la France Insoumise ont clairement fait savoir qu’ils ne rechignent pas à voter pour les ultras : c’est le seul moyen d’évincer Borne et de déstabiliser Macron.
D’autres, à gauche, sont mal à l’aise à l’idée d’unir leurs forces à celles de l’extrême droite. Les socialistes et les autres partenaires juniors de la Nouvelle Union sociale écologique et populaire (NUPES) ont déjà annoncé qu’ils s’abstiendraient sur la nouvelle motion de censure que les mélenchonistes de la France Insoumise, hégémoniques dans la coalition de gauche, prévoient de présenter lundi. Ils ne veulent pas abuser des motions de censure malgré le fait que Macron gouverne par décret. Ni risquer d’autres images d’une pince de gauche et d’extrême droite contre le président. « Le Parti Socialiste est inféodé à la France Insoumise », déplore Jean-Christophe Cambadélis, ancien premier secrétaire du parti et désormais critique de son successeur, Olivier Faure.
Le vote du Rassemblement national en faveur de la motion de la gauche braque également les projecteurs sur les Républicains. S’ils avaient voté pour, la France aurait un autre gouvernement aujourd’hui. Ou Macron, comme il l’a menacé à l’occasion si on en arrivait là, aurait peut-être dissous l’Assemblée et convoqué de nouvelles élections. « Désormais », a déclaré Le Pen, « il n’y a plus aucun doute sur le fait que les Républicains sont les alliés d’Emmanuel Macron ».
Le vote inattendu de Le Pen a mis en évidence la précarité du gouvernement français. Lors des élections législatives de juin, les partisans de Macron ont perdu leur majorité absolue. Ils se sont retrouvés avec une majorité relative et deux alternatives. L’une est de gouverner par décret, bien que le recours à l’article 49.3 de la Constitution soit limité aux lois budgétaires, comme cela a été le cas pour les initiatives qui ont provoqué les motions de censure de ces derniers jours. L’autre option consiste à s’appuyer sur l’opposition. Macron a la semaine dernière envoyé un double message. Aux dirigeants de LR, il a dit : « Oui, je veux une alliance ». Une alliance donnerait de la stabilité à l’exécutif français. Et cela la protégerait du risque que, à un moment donné, la droite modérée se joigne aux motions de censure.
Le deuxième message de Macron s’adresse à la gauche et aux citoyens en général : « Pensez-vous que nos compatriotes qui ont voté pour un député socialiste ou écologiste vous demandaient de construire une majorité avec des députés du Rassemblement national et vous demandaient de présenter une motion de censure expressément modifiée par cette coalition des NUPES ? ». Macron se faisait l’écho, par ces mots, d’une théorie diffusée notamment par François Kalfon, membre du bureau national du Parti Socialiste : les Mélenchonistes auraient retiré une référence positive à l’immigration dans la motion de censure pour faciliter le vote de l’extrême droite. « Absolument faux », a rétorqué Faure, l’actuel premier secrétaire du Partie Socialiste, dans Libération. Un tel paragraphe n’a jamais existé et a été supprimé par la suite, a confirmé le journal. Plusieurs sources ont indiqué que ce qui s’est passé, c’est qu’on a simplement évité de l’ajouter.
« Nous avons rendu cette motion susceptible d’être votée par l’extrême droite », s’est plaint le député socialiste Joël Aviragnet: « Il aurait suffi d’ajouter un point inacceptable pour eux sur l’immigration ou sur tout autre sujet ». Cambadélis affirme que les députés socialistes et écologistes ont demandé l’introduction d’une phrase qui empêcherait Le Pen de se joindre à la motion. « Mais cela a été rejeté par La France Insoumise », ajoute-t-il. Selon le socialiste historique, il n’est pas étonnant que Macron s’attaque avec virulence à la gauche, car « il a pris La France Insoumise en flagrant délit ». « C’est une faute, une banalisation du Rassemblement national », écrit-il. Et il conclut que la charge du président contre la gauche est « de préparer l’ambiance pour une alliance avec la droite classique ».
De la réforme des retraites aux mesures sur l’immigration, le champ d’entente entre Macron et la droite est large. Pour l’instant, la droite a dit « non ». Reconnaissant que le gouvernement ne dispose pas d’une majorité absolue au Parlement pour soutenir ses projets de loi, Borne a exhorté l’opposition à ne pas priver la France d’un budget et ainsi « exposer nos concitoyens les plus fragiles » et « le pouvoir d’achat des classes moyennes ». Si la motion de censure avait été adoptée, le gouvernement serait tombé et la première partie du budget aurait été rejetée. Si le gouvernement réussira probablement à faire passer le budget cette fois-ci, son besoin de s’appuyer sur l’opposition pour faire passer les lois, et le mouvement de la droite contre lui, laissent présager de nombreux autres casse-tête législatifs à venir.

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