Fin de l’abondance ; Appel de Macron pour préparer les Français face à l’hiver

Francoise Riviere
8 Min Read

Emmanuel Macron a appelé mercredi les Français à faire des « efforts » et des « sacrifices » face à un automne et un hiver menacés par les coupures d’énergie, l’inflation et la récession. Le président français estime que l’agression de la Russie contre l’Ukraine, conjuguée aux effets accélérés du changement climatique, brise une triple illusion : celle que les ressources naturelles étaient inépuisables, que la démocratie finirait par triompher irrémédiablement et que la guerre appartenait au passé.

« Nous vivons un moment de grand bouleversement », a déclaré Macron au début du premier Conseil des ministres, après une pause estivale marquée par la sécheresse, la canicule et les incendies, et au début de la première année politique du nouveau quinquennat, après avoir été réélu en mai. « C’est la fin de ce qui pouvait apparaître comme une abondance : celle de la liquidité monétaire sans coût … ; celle des produits et des technologies qui semblaient perpétuellement disponibles, comme nous l’avons vu à l’époque du covid, mais maintenant nous le voyons plus fortement … ; et la fin de l’abondance de la terre et des matériaux, et de l’eau ».

Macron a poursuivi son analyse : « C’est aussi la fin des évidences si l’on regarde la France, l’Europe et le cours du monde. Si quelqu’un pensait que la démocratie et les droits de l’homme étaient la téléologie de l’ordre international, les dernières années ont fait voler en éclats certaines de ces évidences, avec la montée des régimes illibéraux et le renforcement des discours autoritaires ». Il a ajouté : « Et c’est la fin, pour ceux qui l’avaient, d’une forme de nonchalance. Il y a six mois, la guerre est revenue en Europe …. De la même manière, la crise climatique, avec toutes ses conséquences, est là. Et puis il y a le risque cybernétique ».

Le discours de Macron avait un double objectif. D’abord, préparer ses ministres à un parcours politique où, comme les autres années, les craintes d’une explosion sociale dans les rues se répandent. Le syndicat CGT a déjà appelé aux premières journées de protestation à la fin du mois de septembre. Que les coûts de l’énergie puissent révéler un mécontentement profond et déclencher des révoltes spontanées a été démontré il y a quatre ans avec les gilets jaunes. Personne ne l’a oublié. Et la fermeture temporaire de dizaines de réacteurs nucléaires, actuellement à l’étude, pourrait aggraver les restrictions d’électricité en hiver.

Le nouveau contexte politique, avec un gouvernement sans majorité absolue à l’Assemblée nationale après les élections législatives de juin, complique tout pour le président. Et les controverses estivales typiques, ces dernières semaines, une activité de karting dans une prison et la possibilité d’interdire les vols privés ont occupé une grande partie des journaux télévisés, ont mis plusieurs ministres en mauvaise posture. « Ne cédons pas à la démagogie, qui fleurit dans toutes les démocraties, dans un monde complexe et effrayant », a exhorté Macron.

L’opposition a critiqué le discours du président. « Nous vivons la fin de l’abondance », déclare le président qui, il y a quinze jours, posait fièrement sur son jet-ski, écrit Aurélie Trouvé, députée de La France Insoumise, sur son compte Twitter. Cette députée faisait référence aux photos de presse de Macron sur un jet-ski en Méditerranée. Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, a déclaré : « Quand on parle de la fin de l’abondance, je pense aux millions de chômeurs, aux millions de travailleurs précaires, notamment les femmes, et à ceux qui vivent avec le salaire minimum. Pour beaucoup de Français, les temps sont durs, les sacrifices sont déjà là ».

Le deuxième objectif du discours était d’expliquer aux Français pourquoi les sacrifices les attendaient. « La sobriété énergétique » est le nouveau mantra du gouvernement français, qui a fixé un objectif de réduction de 10 % de la consommation d’énergie au cours des deux prochaines années par rapport aux niveaux de 2019. Le nouveau Premier ministre, Élisabeth Borne, doit présenter un plan détaillé en septembre.

La guerre, avant tout, exige un effort pédagogique. L’extrême droite, renforcée après les élections législatives, demande la fin des sanctions contre la Russie car, selon sa chef de file, Marine Le Pen, « elles ne servent à rien, sauf à faire souffrir les peuples européens et le peuple français ».

C’est un argument qui pourrait trouver un écho dans la société et trouver un soutien à gauche. Ainsi, Macron répète depuis des jours une version du « sang, sueur et larmes » de Winston Churchill, une rhétorique qu’il a pratiquée en 2020 pendant la pandémie et qu’il ravive en cet été de guerre et de catastrophes environnementales. Il l’a répété : « Notre régime de liberté a un coût qui peut nécessiter des sacrifices ».

La Première ministre française, Elisabeth Borne, a également déclaré que chaque entreprise du pays devrait élaborer son propre plan de sobriété énergétique le mois prochain, dans un contexte d’inquiétude quant aux pénuries d’électricité et à la flambée des prix due à la guerre en Ukraine. « L’Etat doit montrer l’exemple … chaque ministère doit finaliser en septembre un plan de sobriété afin de réduire d’au moins 10% notre consommation d’énergie », a déclaré Borne dans un discours prononcé lors d’un événement organisé par le Medef, le principal groupe de pression des entreprises.

Bien que le gouvernement ait averti la population de se préparer au « pire des scénarios » en matière d’énergie, la France est dans une meilleure situation que d’autres pays européens. Les approvisionnements en gaz de la France en provenance de Russie ne représentent qu’environ 17 % et, à la mi-juin, la France a complètement cessé de recevoir du gaz naturel par gazoduc en provenance de Moscou. Elle remplace le gaz russe par du gaz provenant du Golfe, de Norvège, d’Algérie et des États-Unis. Le mois dernier, Paris a conclu un accord de coopération stratégique en matière d’énergie avec les Émirats arabes unis afin de sécuriser ses approvisionnements en carburant et en gaz. Elle met également en place un projet de transporteur flottant temporaire de gaz naturel liquéfié (GNL) dans le port du Havre pour augmenter sa capacité d’importation. Actuellement, sa réserve de gaz est de 75 %, soit plus que les 50 % recommandés par l’UE, et elle vise à atteindre une capacité de 100 % d’ici novembre.

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