Macron et la question « législative » ; Le président en quête du compromis

Francoise Riviere
8 Min Read

Après la victoire d’Emmanuel Macron aux élections présidentielles d’avril avec près de 58,55% des voix face à Marine Le Pen, son parti et ses alliés ont obtenu le plus grand nombre de sièges à l’Assemblée nationale (245) mais pas assez pour obtenir la majorité absolue (289). Le président Macron se retrouve dans une impasse constitutionnelle, avec un gouvernement incapable de faire passer des réformes au parlement par lui-même, mais une opposition trop divisée pour former un gouvernement alternatif. La seule solution de Macron pour gouverner et tenter de réformer la France au cours des prochaines années sera de s’assurer le soutien de ses opposants les plus modérés en faisant des compromis sur les grandes réformes qu’il souhaite.
Si le parlementarisme n’a historiquement pas très bien fonctionné en France, la situation actuelle renforce considérablement le rôle du parlement dans le processus législatif français. Les récents commentaires du président Macron suggèrent qu’il se concentrera principalement sur les parlementaires du bloc d’opposition de droite modérée (Les Républicains) pour continuer à mettre en œuvre sa politique économique pro-business et d’orientation libérale, sur fond d’austérité budgétaire attendue au second semestre.
Le président français a réussi à trouver une solution législative valable suite au nouvel équilibre des pouvoirs à l’Assemblée. Le parlementarisme s’apprend en marchant, comme la démocratie, et c’est ce qui arrive au président français Emmanuel Macron après le revers qu’il a subi aux élections législatives de juin. Durant ses cinq premières années à l’Élysée, entre 2017 et 2022, il s’est habitué à gouverner avec un rouleau compresseur parlementaire. Lors des élections législatives, qui se sont tenues peu de temps après la réélection de Macron aux élections présidentielles, les macronistes ont gagné mais sont loin d’avoir la majorité absolue. La sonnerie d’alarme a retenti.
Mais un premier bilan montre que ni le chaos ne s’est emparé de la politique française, ni le pays n’est devenu ingouvernable, ni Macron ne doit être un président sans intérêt pour le reste de son deuxième et dernier mandat. La première séance de la nouvelle Assemblée nationale a été le théâtre de coups durs et de théâtre parlementaire, d’explosions de ton et d’invectives, mais aussi de débats et de négociations sérieuses qui ont permis au banc du gouvernement d’adopter les trois premières lois du nouveau quinquennat : un plan ambitieux de protection du pouvoir d’achat des Français face à l’inflation et à la crise économique résultant de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, une correction budgétaire pour financer ce plan, et la fin des mesures d’urgence dues à la pandémie. Pour cela, il s’appuie sur les Républicains, le parti de la droite traditionnelle, qui pourrait devenir un soutien efficace pour le macronisme.
Les avantages du nouvel échiquier politique français sont évidents : plus de délibération, plus de parlementarisme, plus de démocratie dans un Parlement qui représente plus fidèlement que le précédent la réalité d’une partie du pays profondément mécontente des élites et du système et tentée par le vote extrême. Le problème de la nouvelle Assemblée n’est pas la paralysie : Macron trouvera probablement un moyen de faire passer des lois. Le problème, et ce qui le distingue de son voisin du Nord (Allemagne) et même du Sud (Espagne), c’est qu’en France, la seule alternative au pouvoir se situe en marge du système : les deux groupes d’opposition les plus forts sont le Rassemblement national, d’extrême droite, et la gauche eurosceptique et anticapitaliste de La France Insoumise, à la tête d’une alliance hétéroclite qui comprend des formations plus modérées comme le Parti socialiste, diminué.
Pour Macron, la partie la plus difficile commence maintenant. Les nouveaux budgets, la réforme explosive des retraites ou une nouvelle loi sur l’immigration, poussée par l’aile droite de son groupe, auront des os beaucoup plus durs que les lois de cet été. Il reste à voir si les compromis avec la droite fonctionneront pour ces projets ou si le président pourra chercher des alliances ponctuelles avec le centre-gauche. Et la question de savoir si son propre camp restera uni face aux différences idéologiques et à la compétition pour lui succéder en 2027 reste ouverte. Dans tous les cas, le président a à sa disposition l’outil de la dissolution du Parlement et la convocation de nouvelles élections. L’Europe est confrontée à des temps difficiles, à la guerre de Poutine, à la menace d’un hiver de restrictions énergétiques et à la pression d’une extrême droite plus disciplinée. La solidité et la stabilité ne devraient en aucun cas être incompatibles avec un parlement plus puissant et plus dynamique.
Sur les réformes économiques clés, Macron tentera de s’assurer le soutien de la droite modérée avec laquelle il partage une approche libérale et pro-business. Sur les réformes sociales, Macron courtisera la gauche. Si les membres les plus radicaux de l’alliance NUPES (131 sièges) rejettent le compromis, les socialistes (31 sièges) pourraient être plus enclins à soutenir le gouvernement sur des projets de loi spécifiques. Le gouvernement de Macron pourrait potentiellement obtenir le soutien de l’extrême droite qui, sous l’impulsion de Marine Le Pen et de sa stratégie de « normalisation », fait preuve d’une approche constructive. Jusqu’à présent, le gouvernement a exclu toute négociation directe avec eux.
Dans tous les cas, Macron espère attirer les députés des deux camps, qui auront du mal à voter contre des mesures proposées par le gouvernement qu’ils soutiennent, même s’ils estiment que ces mesures ne vont pas assez loin. Le président Macron a répété son désir de « construire des compromis » et d’ « écouter davantage l’opposition ». Dans la pratique, ce sera un exercice difficile, car les lois votées avec le soutien de la droite risquent de nuire au soutien de la gauche sur d’autres textes, et vice versa. D’ailleurs, Macron a également prévenu qu’en cas de blocage au Parlement, il n’hésiterait pas à utiliser d’autres outils constitutionnels comme le référendum pour faire passer les réformes. Beaucoup s’attendent également, voire espèrent, pour ce qui est de l’extrême gauche, à une possible dissolution de l’Assemblée nationale et à l’organisation de nouvelles élections dans les prochains mois, un pouvoir accordé au président par la Constitution française.

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