L’objectif de longue date de la France, c’est-à-dire renforcer la coopération européenne dans le domaine de la défense a reçu un nouvel élan au cours des six derniers mois grâce à la guerre en Ukraine et à la présidence française de l’UE, affirment les experts. « Notre objectif, doit être la capacité d’action autonome de l’Europe, en complément de l’OTAN », a déclaré le président français Emmanuel Macron lors de son discours à l’université de la Sorbonne en septembre 2017, qui a marqué une étape importante dans la démarche de Paris pour renforcer les capacités de défense de l’UE.
Macron avait alors appelé à une « une coopération structurée permanente, permettant de prendre des engagements accrus, d’avancer ensemble et de mieux nous coordonner ». Macron a profité des six mois de Paris à la présidence tournante de l’UE pour faire avancer la politique de défense européenne, malgré la réticence de certains gouvernements de l’UE, comme Berlin, selon des analystes. Alors que la France a toujours insisté sur des propositions de défense pour lesquelles elle a une vision à long terme, la présidence française de l’UE a permis à l’Union de définir elle-même la défense européenne, alors que les discussions sur ce sujet étaient impensables il y a encore quelques mois. La présidence française a été un « accélérateur » dans le domaine de la défense.
Mais les choses n’auraient pas changé aussi rapidement s’il n’y avait pas eu la guerre de la Russie en Ukraine. Cette guerre a permis à l’UE, sous la présidence française, de faire des progrès dans le domaine de la défense. En effet, les livraisons d’armes à l’Ukraine étaient un « élément symbolique fort » qui montrait la « prise de conscience » européenne. Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE avaient décidé le 11 mars à Versailles de « renforcer résolument » ensemble les investissements dans les capacités de défense et d’ « augmenter sensiblement » les dépenses d’armement dans toute l’Union, afin de tirer rapidement les leçons de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Les dirigeants de l’UE se sont également engagés à renforcer la coopération entre les États membres sur les projets de défense et à accroître la mobilité militaire au sein de l’Union. Le sommet a marqué « une situation géopolitique sans précédent qui a incité l’UE à développer une véritable politique de défense ». Ainsi, l’UE va désormais « dépenser mieux » plutôt que « dépenser plus ». Les détails de ces dépenses doivent toutefois encore être négociés. Depuis que la France a pris la présidence du Conseil de l’UE le 1er janvier, certains pays de l’UE, comme la Belgique, la Suède et l’Allemagne, ont annoncé qu’ils augmenteraient leurs dépenses militaires afin que le budget de la défense atteigne la barre des 2 % du produit intérieur brut.
D’autre part, la livraison d’armes à l’Ukraine par les États membres de l’UE permettrait de concrétiser la coopération industrielle européenne et de jeter les bases d’une industrie européenne concertée. Les stocks d’armes européens devraient être reconstitués « par des achats au niveau européen ». Enfin, le défi consiste à renforcer l’industrie européenne de la défense afin de reconstituer les stocks et de moderniser les équipements.
Des sondages récents indiquent que l’idée d’une armée européenne intégrée bénéficie d’un soutien public important dans de nombreux États membres de l’UE. Les chercheurs et les diplomates européens s’accordent toutefois à dire que la construction de la sécurité européenne ne peut se faire sans l’OTAN et que l’objectif ne peut pas être de remplacer l’Alliance atlantique par une « armée européenne » indépendante. Il n’y a pas de volonté de créer une armée européenne qui ferait de l’ombre à l’OTAN. Cet engagement envers l’OTAN figure également dans la nouvelle boussole stratégique 2022 de l’UE, qui expose les objectifs de défense et de sécurité de l’Union jusqu’en 2030. Une Union plus forte et plus capable dans le domaine de la sécurité et de la défense est complémentaire de l’OTAN, qui reste la base de la défense collective pour ses membres. Néanmoins, l’UE est aujourd’hui plus que jamais un acteur important dans les questions de défense. Avec l’adhésion prochaine de la Suède et de la Finlande à l’OTAN, l’alliance transatlantique est plus européenne que jamais et loin d’être en état de mort cérébrale, comme l’a dit Macron en décembre 2021. La défense européenne est considérée, y compris par la présidence française de l’UE, comme « complémentaire à l’OTAN ».
Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a qualifié d’ « historique » le sommet de cette année, qui s’est tenu du 28 au 30 juin à Madrid et qui a réuni les dirigeants des 30 pays membres de l’OTAN et les principaux partenaires, alors que l’alliance prépare la plus grande opération de défense jamais vue depuis la guerre froide. Il s’agit notamment d’augmenter considérablement le nombre de troupes qu’elle peut déployer au pied levé, à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et d’offrir officiellement une adhésion accélérée à la Finlande et à la Suède, pays auparavant neutres, après avoir répondu aux préoccupations du président turc Tayyip Erdogan. Ankara avait initialement refusé de soutenir les candidatures des deux pays nordiques au motif qu’ils abriteraient des groupes armés kurdes engagés dans une guérilla contre la Turquie depuis 1984, et qu’ils interdisaient la vente de certaines armes à la Turquie. Ankara affirme qu’elle cherchera à extrader 33 suspects de « terrorisme » de Suède et de Finlande en échange de son soutien.
Parmi les autres sujets importants abordés figurent l’influence croissante de la Chine et le prochain concept stratégique de l’OTAN, un document qui est mis à jour environ tous les dix ans pour refléter les défis de sécurité les plus pressants auxquels l’alliance militaire est confrontée et indiquer comment l’OTAN entend y faire face. L’invasion de l’Ukraine en 2022 a également entraîné un nouveau changement radical au sein de l’alliance : l’adhésion de la Finlande et de la Suède a enfin progressé, environ 16 des futurs 32 alliés ont respecté leur engagement de 2 % dans les deux ans, et une augmentation massive du stationnement permanent à l’est.