On peut dire que le dipôle politique de la gauche et de la droite est en agonie en France. Les résultats des deux dernières élections présidentielles illustrent en tout cas bien cette hypothèse. Le premier tour de l’élection présidentielle française du 10 avril s’est soldé par une sévère défaite d’au moins deux candidats du parti de centre droit « Les Républicains » et du parti de la gauche « Socialiste ». Ces partis sont maintenant aux prises avec des problèmes économiques car ils bénéficiaient autrefois d’un fort soutien populaire et pendant de nombreuses années, leurs candidats ont été chefs d’État. Il apparaît désormais que les frais de campagne sont trop élevés et le candidat conservateur a demandé une aide financière pour pouvoir rembourser ses dettes.
La plupart des candidats à l’élection présidentielle française n’ont pas atteint le seuil crucial des cinq pour cent requis pour le remboursement des frais de campagne par l’État au premier tour. Avec seulement 4,8 % des voix, la candidate des Républicains Valérie Pécresse n’obtiendra pas le remboursement de ses frais de campagne, ce qui l’a poussée à lancer un appel d’urgence. Pécresse a déclaré aux médias français : « Les Républicains ne peuvent pas faire face à ces dépenses. Je suis endettée personnellement à hauteur de 5 millions d’euros ».
Une défaite politique pour les Républicains
Lorsqu’elle a remporté la primaire des Républicains en décembre dernier, Valérie Pécresse semblait promise à un grand résultat. Au minimum, elle défierait Emmanuel Macron, voire deviendrait la première femme présidente de la République, volant le record à Marine Le Pen. Quelques meetings désastreux et de nombreuses gaffes ont eu raison d’elle, Pécresse ne gagnera pas l’Elysée, elle ne s’est pas qualifiée pour le second tour et elle n’en est même pas passée près, mais elle n’imaginait certainement pas que cette chute atteindrait moins de 5%, le seuil nécessaire pour le remboursement des dépenses électorales. Elle n’a pas réussi à obtenir le vote des Français, mais elle demande maintenant l’argent : 5 millions d’euros d’ici le 15 mai, pour rembourser la dette qu’elle a personnellement contractée lorsqu’elle était convaincue d’être parmi les premiers.
Au sein du parti, on a commencé à pressentir l’ampleur de la catastrophe dès l’arrivée des premiers résultats des bureaux de vote d’Outre-mer, ouverts un jour plus tôt : 4 % à Saint-Barth, le paradis caribéen qui accueille les yachts de la grande bourgeoisie parisienne et qui a d’ailleurs tributaire en 2017 d’un triomphe de 30 % à son camarade de parti François Fillon. Dimanche soir, le résultat global : 4,8%. Une défaite politique avant tout, la droite républicaine des présidents De Gaulle, Pompidou, Chirac et Sarkozy quasiment anéantie, tout comme il est arrivé il y a cinq ans à la gauche qui exprimait Mitterrand et Hollande. Mais si en 2017, le secrétaire socialiste Benoît Hamon, arrivé à 6%, s’est au moins épargné une faillite personnelle, la candidate des Républicains a aujourd’hui un problème non seulement avec les électeurs mais aussi avec la banque.
Pécresse : « J’ai cinq milliards de dettes, tout ira bien, vous verrez »
« J’ai besoin de votre aide urgente », a déclaré Pécresse lundi, d’une voix enfin redevenue sincère après des semaines. “Nous n’avons pas atteint les 5% qui nous permettraient d’obtenir le remboursement de l’État, sur lequel nous comptions”. Puis l’appel : « Je m’adresse à ceux qui ont voté pour moi mais aussi à ceux qui ont préféré le « vote utile » et enfin à tous les Français qui sont attachés au pluralisme politique » Ma dette personnelle est de cinq millions.
Sur les 12 candidats qui ont participé au premier tour, à part Pécresse, sept autres n’ont pas atteint le seuil de 5% et ne seront pas remboursés, mais elle seule a dépensé autant et s’est endettée parce qu’elle était sûre d’y arriver. L’appel vise à émouvoir surtout ceux qui ont voté pour elle, 1,68 million, trois euros par personne suffiraient. Mais cela ne sera pas facile, d’autant plus que Pécresse est la plus riche des 12 candidats.
Sa fortune personnelle, selon sa déclaration fiscale, s’élève à 9,7 millions. En communauté de biens avec son mari Jérôme Pécresse, PDG de General Electric Renewable, Pécresse possède trois maisons d’une valeur de 4,1 millions d’euros, un million d’actions General Electric, un terrain d’une valeur de 50 000 euros et un salaire de 54 000 euros net par an en tant que présidente de la région Île de France. Sa demande a donc suscité peu d’empathie, et de nombreuses invitations à vendre les maisons. L’un des premiers à réagir sur les médias sociaux a été Jérôme Kerviel, l’ancien trader qui a été la vedette du scandale de la Société Générale il y a des années : « J’ai cinq milliards de dettes, tout ira bien, vous verrez ».
Seuls quatre candidats ont obtenu plus de cinq pour cent des voix
Une autre demande d’aide vient de Yannick Jadot, le candidat écologiste qui s’est arrêté à 4,5% et qui demande, non pas pour lui mais pour le parti EELV, deux millions d’ici la fin mai. Au-delà des mauvaises prévisions et de l’opportunité de demander de l’argent aux Français, la question du financement de la politique est relancée.
Seuls quatre candidats ont obtenu plus de cinq pour cent des voix, ce qui signifie que tous les autres candidats doivent rembourser intégralement leurs frais de campagne. Le premier tour a été marqué par l’un des taux de participation les plus faibles de ces dernières élections, avec un taux d’abstention estimé à environ 26 %, c’est plus que les 30 % d’abstention attendus par certains sondages. En 2017, 23 % des électeurs se sont abstenus de voter. Les premiers résultats portent un coup dur aux partis traditionnels français qui ont vu leur nombre s’effondrer depuis qu’Emmanuel Macron est devenu président en 2017.
La plupart des élections présidentielles françaises précédentes opposaient généralement la gauche et la droite, les partis républicain et socialiste se qualifiant pour le second tour. Le clivage droite-gauche a disparu et a laissé place au bloc pro-UE et grand public contre le bloc nationaliste. En 2017, le président Macron a secoué le paysage politique français avec une campagne centriste et a poussé les partis traditionnels de la France vers le bas. Malgré cinq années de remise en question, le parti républicain centriste de droite et le parti socialiste centriste de gauche n’ont pas réussi à dynamiser leur base et sont désormais hors course.