Quels éléments défendables figure le quinquennat d’Emmanuel Macron ?

Remy Legaros
10 Min Read
Le président français Emmanuel Macron, dans la salle verte de réunion présidentielle à l'Élysée, à Paris, aux côtés de responsables économiques français et de membres du gouvernement.

Après le quinquennat d’Emmanuel Macron, les chiffres bruts sont relativement flatteurs. La croissance du PIB, par exemple, a atteint 7 % en 2021, selon une première estimation de janvier de l’Insee. Ce chiffre exceptionnellement élevé représente le rebond de l’économie française après un plongeon historique (- 8 %) pendant la récession de 2020 provoquée par la pandémie, même si le rebond ultérieur de la France a été l’un des plus solides de tous les pays de la zone euro. Le taux de chômage de la France, quant à lui, est tombé à 7,4 % au quatrième trimestre de 2021, un chiffre jamais atteint depuis 2008.

Pour les entreprises, Macron a baissé le taux d’imposition des entreprises de 33,3 % à 25 %, a réduit le coût du travail en transformant un crédit d’impôt de 20 milliards d’euros par an en une réduction permanente des cotisations sociales pour les employeurs. Il a également fait modifier le code du travail français pour aider les entreprises en facilitant les licenciements. Pour les particuliers, il a supprimé l’impôt sur la fortune et créé un prélèvement forfaitaire unique sur les plus-values afin de stimuler l’investissement dans les entreprises et l’économie réelle par effet de ruissellement.

L’image de la France à l’étranger et son attrait pour les investisseurs étrangers ont également connu des gains considérables. Le parti « La République en Marche » de Macron se targue d’avoir fait de la France le pays le plus attractif d’Europe pour les investisseurs au cours du mandat du président sortant, la France enregistrant 985 projets d’investissements étrangers en 2020, contre 975 au Royaume-Uni et 930 en Allemagne, selon l’indice d’attractivité d’EY Consulting.

Le quinquennat de Macron ; distingué par une diminution de la qualité des emplois pour les travailleurs

Au-delà d’une hausse de la précarité, le quinquennat de Macron s’est également distingué par une diminution de la qualité des emplois pour les travailleurs. Le site d’information d’investigation Mediapart a indiqué que le nombre moyen d’heures travaillées est passé de 32 heures par semaine au deuxième trimestre 2017, lorsque Macron a été élu, à 30,9 heures par semaine au troisième trimestre 2021. Une partie de cette baisse était due à la crise du Covid-19, mais elle était aussi le signe d’un changement qualitatif dans le travail effectué par les travailleurs.

Jusqu’à la fin de son quinquennat, le président français s’en est tenu au rôle qu’il s’est façonné après sa victoire surprise en 2017 : celui d’un médiateur en chef, plaçant la diplomatie française, et lui-même, fermement sous les projecteurs. Si la dernière mission de Macron, qui consistait à empêcher la plus grande invasion militaire de l’Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, s’est soldée par un échec, ce n’est pas faute d’avoir essayé.

Le dirigeant français a cherché à empêcher l’invasion de l’Ukraine par la Russie, alors même que les responsables américains prévenaient de l’imminence d’une guerre. Macron s’est précipité à Moscou au début du mois de février, plaidant pour la paix au cours de discussions marathon avec son homologue russe autour d’une table désormais célèbre pour sa taille. Il est revenu avec l’accord de Poutine pour s’asseoir à la table des négociations avec son homologue américain, croyant peut-être avoir obtenu la paix pour notre époque.

« Une Russie qui tourne le dos à l’Europe n’est pas dans notre intérêt »

Aucun dirigeant étranger n’a autant tenté d’influencer Macron que le Russe Poutine, qu’il a invité à une grande réception au château de Versailles en mai 2017, deux semaines seulement après son entrée en fonction. « Une Russie qui tourne le dos à l’Europe n’est pas dans notre intérêt », a déclaré Macron à l’époque. Macron a adopté à peu près la même stratégie avec un autre invité exigeant, l’ancien président américain Donald Trump. Quelques semaines seulement après le traitement de Poutine à Versailles, le président français a accueilli le premier couple américain pour un dîner à la Tour Eiffel et a fait de Trump l’invité d’honneur du défilé militaire annuel du Jour de la Bastille.

L’offensive de charme de Macron a semblé fonctionner au début, car Trump a couvert son hôte français d’éloges et les médias ont parlé d’une nouvelle amitié. Des poignées de main exagérées et des baisers sur les deux joues ont eu lieu lorsque les deux hommes se sont retrouvés à la Maison Blanche l’année suivante. Mais malgré toutes ces effusions, Macron s’est montré impuissant à empêcher Trump de se retirer de l’accord de Paris sur le climat et de l’accord sur le nucléaire iranien.

Après avoir été élu en mai 2017, Macron a rapidement entrepris de réduire les dépenses sociales de la France. Désormais, le président de la République a choisi des coupes qui ciblaient les bas revenus, une diminution de 5 euros par mois de l’aide personnalisée au logement et une réduction massive des contrats de travail subventionnés. Ces mesures n’étaient pas populaires, mais elles s’inscrivaient dans la logique qui veut qu’un nouveau chef de l’Etat français se débarrasse rapidement des mesures impopulaires. Elles correspondent aussi à l’éthique budgétaire de Macron au début de son arrivée au pouvoir.

« Le plan pauvreté » ; ambitieux mais abandonné

Macron, qui a été ministre de l’économie sous l’ancien président socialiste François Hollande, a estimé que s’il voulait relancer le pouvoir d’achat et stimuler l’activité économique, tout en respectant la règle d’or de l’Union européenne et en ramenant le déficit sous la barre des 3 % du PIB, il était impossible de ne pas réduire les dépenses sociales. Ces premières décisions ont eu de fervents défenseurs au sein du gouvernement de Macron, les partisans de la discipline budgétaire que le président centriste avait débauchés de la droite.

Édouard Philippe, le premier ministre de Macron, le ministre de l’économie Bruno Le Maire et le ministre de l’intérieur Gérard Darmanin, qui a initialement servi sous Macron en tant que ministre du budget, étaient tous des transplants du parti conservateur Les Républicains. Les premières mesures économiques de Macron, qui ont mis fin à l’impôt sur la fortune et imposé une « impôt à taux unique » de 30 % sur les gains en capital, sont allées plus loin en valant au nouveau dirigeant français un surnom dont il ne s’est pas encore débarrassé : « le président des riches ».

Trois mois plus tard, le gouvernement a présenté un « plan pauvreté » de 8,5 milliards d’euros sur quatre ans. Ce projet vise à repenser de fond en comble le système d’aide français, au nom de « l’éradication de la grande pauvreté » en une génération. Il vise à fournir des petits déjeuners gratuits dans certaines écoles, des déjeuners scolaires à 1 € dans certaines communes, des places en crèche pour les enfants de familles défavorisées et une nouvelle allocation universelle destinée à consolider un certain nombre d’allocations sociales existantes. Les objectifs du plan étaient ambitieux, mais ils ont progressivement été abandonnés pendant le quinquennat. Pourtant, la réduction des dépenses dans d’autres secteurs reste une priorité.

« Rendre notre planète à nouveau formidable »

Macron a rapidement saisi la lassitude et le dégoût du public pour les politiciens et les partis politiques traditionnels. Lors de sa campagne en 2017, il a promis de « faire de la politique autrement » pendant son quinquennat. Ce fut un facteur clé pour lancer son ascension au pouvoir, attirant des armées de volontaires et de militants dans son mouvement En Marche, attirés par la perspective de construire une plateforme politique de manière collaborative. À ce moment-là, l’idée était l’autogestion au niveau local, une structure latérale, le partage des décisions et le dialogue avec les partis d’opposition.

Macron a également entamé son quinquennat en faisant de grandes promesses sur les questions environnementales. Après s’être engagé à investir 15 milliards d’euros dans la transition écologique de la France et avoir amadoué l’écologiste (et ancienne star de la télévision) Nicolas Hulot pour qu’il rejoigne son cabinet afin de mener la bataille, Macron a utilisé le retrait de Donald Trump de l’Accord de Paris sur le climat en juin 2017 pour lancer son propre appel vert à fort impact avec une paraphase de Trump : « Rendre notre planète à nouveau formidable ».

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