Les répercussions de la guerre d’Algérie sur la présidentielle d’avril

Remy Legaros
8 Min Read
Emmanuel Macron va de nouveau plaider pour un "apaisement" des mémoires sur les deux rives de la Méditerranée

Pendant les 60 ans qui ont suivi l’indépendance de l’Algérie face à la France, les crises entre les deux pays ont souvent été attisées par de différents positionnements et évènements. Pourtant, certains experts affirment que les deux parties ont entretenu des relations relativement favorables pendant quatre décennies, et que ce n’est que dans les années 1990 que les soucis ont commencé à se dégrader. En général, malgré les apparences et les critiques, la relation a été stable et très équilibrée. Cela, en dépit des ravages causés par la guerre d’indépendance de huit ans qui a finalement pris fin après la signature des accords d’Évian le 18 mars 1962.

Ces accords prévoyaient un cessez-le-feu immédiat et mettait fin à huit années de bataille sanglante pour l’indépendance de l’Algérie, du moins sur le papier. Ensuite, les négociations se sont déroulées en secret pendant des mois. Elles se concentrent sur quatre domaines principaux : des garanties pour la population de colons pied-noir qui souhaite rester en Algérie ; la souveraineté sur le Sahara et ses gisements de pétrole ; le statut des bases militaires françaises et les droits aux essais nucléaires sur le sol algérien, et le cadre régissant les futures associations entre la France et une Algérie indépendante. La France parvient à conserver ses droits d’extraction pétrolière et ses sites d’essais nucléaires. Mais les Français restent profondément divisés sur la cession de l’Algérie après 132 ans de domination coloniale.

Macron « a constaté que les crimes commis sous la direction de Maurice Papon sont impardonnables pour la République »

Le président algérien Abdelmajid Tebboune a déclaré vendredi que « Les crimes commis par le colonialisme français à l’encontre du peuple algérien, ne sauraient tomber dans l’oubli ni s’éteindre par la prescription ». Dans son message à l’occasion de la Fête de la Victoire, M. Tebboune a ajouté qu’un traitement équitable et responsable du bilan historique de la colonisation française dans un climat d’honnêteté et de confiance est indispensable. Il a rappelé les demandes de l’Algérie concernant la récupération des archives judiciaires, la clarification du sort des disparus pendant la guerre d’indépendance et l’indemnisation par la France des victimes des essais nucléaires. Le mois dernier, l’ambassade d’Algérie à Paris a salué le dynamisme pour apaiser la situation entre les deux pays et s’est félicitée des dénonciations unanimes en France suite au vandalisme d’une sculpture qui honore le symbole national algérien Abdelkader.

Le président Emmanuel Macron a récemment qualifié la répression meurtrière par la police parisienne d’une manifestation pacifique d’Algériens d’impardonnable pour la République, allant plus loin que ses prédécesseurs dans l’admission des crimes que les autorités françaises avaient couverts pendant des décennies. À la veille du 60e anniversaire de ce drame, M. Macron a déclaré aux proches et aux militants que des « crimes » avaient été commis dans la nuit du 17 octobre 1961, sous le commandement du chef de la police parisienne, Maurice Papon. Il a reconnu que plusieurs dizaines de manifestants avaient été tués, « leurs corps jetés dans la Seine » et a rendu hommage à la mémoire des victimes. Si le nombre exact des tués n’a jamais été déterminé, des investigations approfondies effectuées par des historiens reconnus suggèrent qu’au moins 200 personnes ont été tuées par balles. Macron « a constaté les faits : les crimes commis cette nuit-là sous la direction de Maurice Papon sont impardonnables pour la République », a déclaré l’Elysée, ajoutant que « cette tragédie a été longtemps étouffée, niée ou dissimulée ».

La commémoration officielle du 60e anniversaire des accords d’Évian avec un discours de M. Macron

Des théories du complot concernant le remplacement des Français blancs et chrétiens par des musulmans d’Afrique du Nord, tous ces slogans sont entendus dans les campagnes présidentielles. Alors que le président français Emmanuel Macron a essayé au cours de l’année passée de remédier aux souvenirs douloureux de l’histoire coloniale de son pays en Algérie, les longues ombres de ce passé, suscitées par de tels messages ont de plus en plus influencé les campagnes des candidats de droite aux élections présidentielles d’avril.

Les efforts de Macron pour guérir les blessures de la colonisation de l’Algérie par la France ont consisté à reconnaître les crimes commis par l’armée et la police françaises, à reconnaître le manque de considération de la France pour les anciens colons et les Algériens qui ont combattu pour le pays, et à faciliter l’accès aux archives liées à la guerre.

Ces efforts se sont poursuivis samedi avec une commémoration officielle du 60e anniversaire des accords d’Évian, qui ont mis fin à la guerre pour l’indépendance de l’Algérie, et avec un discours de M. Macron à l’Élysée dans lequel il a rappelé toutes les initiatives prises depuis 2017 pour « apaiser » la mémoire de cette guerre qui, avec « ses non-dits », a « été la matrice de nombreux ressentiments » en France comme en Algérie. “Beaucoup me diront : vous faites tout cela, mais vous n’êtes pas sérieux parce que l’Algérie ne bouge pas. A chaque fois, tous mes prédécesseurs ont été confrontés à la même chose”, a-t-il déclaré.

Des citoyens français d’origine algérienne peuvent jouer un rôle clé dans la présidentielle

L’héritage de l’Algérie a peut-être été le plus visible dans le slogan du « grand remplacement », une théorie du complot raciste prétendant que la population chrétienne et blanche de la France va être remplacée par des immigrants d’origine musulmane et africaine. Ce concept a été plusieurs fois repris pendant la campagne électorale d’Éric Zemmour, dont la famille juive est originaire d’Algérie, puis utilisé par Valérie Pécresse, la candidate conservatrice de la droite.

Marine Le Pen, la candidate de l’extrême droite qui était depuis longtemps partisane de l’Algérie française a déclaré que : « Nous contestons depuis longtemps cette date choisie parce que cette date, qui a été imposée comme la fin de la guerre d’Algérie, n’a pas été la fin de la guerre d’Algérie, car il y a eu des dizaines de milliers de harkis qui ont été sauvagement assassinés ». M. Le Pen a encore souligné que : « S’il s’agit de réconcilier les mémoires en se flagellant devant l’Algérie qui ne cesse de réclamer des actes de repentance, moi en ce qui me concerne ce sera non, sauf si l’Algérie demande elle-même pardon aux harkis sur la manière dont ils se sont comportés à leur égard ».

Aujourd’hui, à l’approche des élections présidentielles françaises d’avril, parfois nous constatons que les relations de certains candidats semblent s’améliorer. Des millions de citoyens français d’origine algérienne et des descendants des français partis après l’indépendance algérienne, font partie de ceux qui peuvent jouer un rôle clé dans la présidentielle pour leur candidat favorable.

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