L’intérêt de la France pour le Moyen-Orient a toujours été défini par des intérêts sécuritaires et par des échanges commerciaux, culturels et sociaux. Mais sous la présidence d’Emmanuel Macron, sa politique étrangère a gagné en influence et est allée au-delà de son activité traditionnelle en Afrique du Nord pour intervenir de manière claire et flagrante dans la région du Golfe arabe. Historiquement, les liens entre la France et le Moyen-Orient sont intimes et intimement liés. Le monde arabe est très présent en France, et la France influence le monde arabe. Environ six millions de personnes en France sont soit des immigrés, soit des enfants d’immigrés de la région, et elles ont une relation forte avec les pays de la région.
L’islam est la deuxième religion en France. La France a envoyé ses forces pour combattre ISIS en Syrie, s’est engagée dans le conflit libyen, a renforcé sa coopération avec l’Égypte et les Émirats arabes unis dans la lutte contre les groupes islamistes, et s’est brouillée avec Erdogan, redoutant les ambitions d’Ankara dans la région.
La France a jeté ses yeux sur le Moyen-Orient post-américain
La compréhension des positions fermes de la France sur le JCPOA est impossible sans la compréhension des origines de ses politiques au Moyen-Orient ou, plus précisément, sans l’étude de la doctrine Macron dans la région du Moyen-Orient. Après le retrait des États-Unis du Golfe Persique et la présence de pays comme la Chine et la Russie pour combler son vide, le gouvernement français a également entamé des mouvements pour devenir, au moins, une partie de l’équation du pouvoir.
Les visites de Macron au Liban, sa présence à Bagdad et sa rencontre avec Barham Saleh, président irakien, Mustafa Al-Kazimi, premier ministre, et Nechirvan Barzani, président de la région du Kurdistan, ses visites de novembre 2021 au Qatar, en Arabie Saoudite et aux EAU et la conclusion de l’accord sur les armes Rafael, que certains analystes considèrent comme un apaisement de l’administration américaine envers la France pour compenser l’accord AUKUS, doivent être analysés dans cette optique.
Bien que les visites au Moyen-Orient et le renforcement de la présence militaire française en Méditerranée orientale aient des objectifs économiques et de campagne présidentielle à court terme, mais au niveau macro, l’analyse indique que la France a jeté ses yeux sur le Moyen-Orient post-américain et sur l’unilatéralisme des États-Unis qui a commencé sous Trump, et la méfiance envers la Grande-Bretagne post-Brexit, et le développement de la politique étrangère allemande post-Merkel, et fait donc des efforts pour raviver la tradition gaulliste dans la politique étrangère française et devenir l’un des acteurs efficaces de la région du Moyen-Orient.
La politique de Macron envers la Turquie
La politique turque d’Emmanuel Macron montre qu’il réagit aux changements géopolitiques mais qu’il s’efforce également de rétablir l’importance et le rang de son pays. Le retrait des États-Unis d’Europe et du Moyen-Orient, et l’indifférence des États européens, ont créé un vide géostratégique. Macron a fait remarquer que les puissances régionales savent comment tourner ce vide à leur avantage. En conséquence, la France a énergiquement contre la politique étrangère de la Turquie depuis l’été 2020. Simultanément, cependant, Paris a défendu sa prétention vis-à-vis d’Ankara à la prééminence au Moyen-Orient et en Afrique (du Nord).
La récente tournée du président français Emmanuel Macron dans le Golfe n’a pas seulement été l’occasion de conclure des ventes d’avions de chasse et d’hélicoptères pour plusieurs milliards de dollars. Elle a également été l’occasion de renforcer les coopérations culturelles avec les pays de la région, confirmant ainsi le rôle de la France en tant qu’acteur clé dans la région. Les Émirats arabes unis et le Musée du Louvre à Paris ont renouvelé le partenariat du Louvre Abu Dhabi pour dix années supplémentaires, prolongeant jusqu’en 2047 la licence d’utilisation de la marque Louvre qui faisait partie de l’accord initial d’un milliard d’euros signé en 2007.
L’accord garantit des revenus supplémentaires de 165 millions d’euros pour la France, avec des paiements prévus en 2022 et 2023. En échange, le Louvre a promis de prêter quatre œuvres iconiques au satellite d’Abu Dhabi (aucun détail n’a encore été donné sur la sélection). À Djeddah, les ministres français et saoudien de la Culture, Roselyne Bachelot et le prince Badr bin Abdullah bin Farhan Al Saud, ont signé un protocole d’accord de cinq ans pour “renforcer la coopération et les échanges culturels dans un large éventail de domaines culturels”, du patrimoine au cinéma en passant par les arts visuels.
Aucun détail ni budget n’a été rendu public, mais l’accord inclut le projet d’un centre culturel franco-saoudien appelé Villa Hegra dans la région d’AlUla, au nord-ouest du pays, qui fait l’objet d’un accord distinct avec la Commission royale du Royaume pour AlUla. La Villa Hegra aspire à devenir la “Villa Médicis”, l’Académie française de Rome, du Moyen-Orient.
La France pense que l’accord nucléaire de 2015 “avec des ajustements mineurs” est la voie à suivre avec l’Iran
On a déclaré que Macron continuera à encourager et à soutenir les efforts qui contribuent à la stabilité de la région, de la Méditerranée au Golfe. Les tensions du Golfe ont été discutées, en particulier la relance des discussions sur l’accord nucléaire de l’Iran avec les puissances mondiales, après le retrait des États-Unis de l’accord par le président Donald Trump. Les pays du Golfe sont depuis longtemps préoccupés par les ambitions nucléaires de l’Iran et son influence dans toute la région, notamment en Irak, en Syrie et au Liban. Macron a discuté de ces questions lors d’un appel téléphonique lundi avec le président iranien. Il a également parlé de cet appel et de ces questions, y compris des négociations sur l’accord nucléaire à Vienne, avec les dirigeants du Golfe, qui sont “directement concernés par ce sujet, parce qu’ils sont les voisins de l’Iran”.
La France, tout comme l’Allemagne et le Royaume-Uni, pense que l’accord nucléaire de 2015 “avec des ajustements mineurs” est la voie à suivre avec l’Iran, selon les analystes. Les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite se sont amèrement opposés à l’accord négocié par l’Occident avec l’Iran. “Bien que les pays du Golfe n’aient pas aimé l’accord de l’Occident avec l’Iran, la perspective qu’il s’effondre de manière acrimonieuse est également mauvaise pour eux et présente sans doute des risques plus graves”. “Leur point de vue a toujours été que l’Occident aurait dû obtenir davantage de l’Iran avant de conclure l’accord”. Mais si l’Occident s’en tire sans rien, les pays du Golfe commencent à comprendre que leur sécurité ne s’en trouvera pas améliorée.
La récente visite de Macron dans le Golfe, au cours de laquelle il a conclu le plus important contrat d’armement jamais conclu par la France avec les Émirats arabes unis et a également rencontré le prince héritier saoudien Mohammed bin Salman, une figure toujours boudée par la plupart des dirigeants occidentaux, reflète l’ambition du président français d’être un acteur central dans le mélange régional. Pour M. Macron, le Moyen-Orient élargi est un théâtre critique pour les intérêts français, mais il semble également représenter un lieu où projeter avec assurance la position de la France dans le monde. Pour ces deux objectifs, la voie est souvent considérée comme passant par un partenariat avec des acteurs cruciaux du Golfe, en particulier les Émirats arabes unis, qui sont désormais l’allié régional “stratégique” clé de la France.
La normalisation des relations avec Israël
Les régions du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord ont connu d’énormes changements et, en l’état actuel des choses, les analystes s’efforcent de ne pas manquer les moindres détails des actions des puissances régionales. Cette réalité, associée au fait que les accords d’Abraham ont pris forme, des pays comme l’Égypte, qui ont déjà normalisé leurs relations avec Israël, trouvent plus facile de coopérer avec la nation juive (étant donné l’absence de toute critique significative de la part du monde arabe). Israël s’est rendu compte de l’importance de l’influence qu’il détient actuellement, et c’est pourquoi il souhaite obtenir une plus grande reconnaissance au niveau régional, ainsi que coopérer avec les grands alliés pour faire face à la menace du Hamas.
Si Israël réussit à traiter avec le Hamas, il deviendra plus facile pour les autres pays arabes qui n’ont pas encore normalisé leurs relations de travailler en étroite collaboration avec Israël. Qu’il s’agisse de l’Arabie saoudite, ou même maintenant du Qatar, ces pays renforcent leur coopération économique avec les secteurs privés israéliens. Cela peut très bien être interprété comme le précurseur de relations politico-économiques plus dynamiques qui peuvent compenser toute réserve à la normalisation. Dans l’ensemble, ces pays, à savoir la France, les Émirats arabes unis et l’Israël, travaillent chacun de leur côté pour diffuser et résoudre les problèmes qui ont longtemps maintenu l’instabilité dans la région. Ces pays ont pris sur eux la tâche que la région MENA avait confiée aux Etats-Unis pendant des décennies. Cependant, comme l’administration Biden suit une politique très imparfaite, le Quad susmentionné remplit le vide laissé par une politique pragmatique de Trump au Moyen-Orient.
Une politique en contradiction avec les positions prises par l’ancien président français Jacques Chirac au Moyen-Orient
La politique de Macron au Moyen-Orient ne semble pas se préoccuper des populations ni de la situation des droits de l’homme sur place. Au contraire, il a soulevé l’ire des Libanais, et a ignoré la crise de Khashoggi et la guerre au Yémen. Plus récemment, Macron a fait des commentaires qui ont indigné une grande partie des musulmans du Moyen-Orient et créé une aura de ressentiment au sein de l’opinion publique. En conséquence, des appels au boycott de la France se sont répandus sur Internet et ont conduit une cinquantaine de grands marchés du Koweït à retirer tous les produits français de leurs rayons.
Cette politique est en contradiction avec les positions prises par l’ancien président français Jacques Chirac (1995-2007), qui s’est opposé à l’invasion américaine de l’Irak en 2003 et s’est heurté à l’administration de George Bush. Il avait des positions fortes concernant le conflit israélo-arabe, et ses politiques lui ont valu une bonne réputation et une crédibilité auprès des régimes, des nations et des peuples arabes. Avec son arrivée au pouvoir en 2017, le président français n’était pas enclin à répandre la démocratie. Il a même critiqué la promotion intrusive de la démocratie par ses prédécesseurs, et a déclaré en juin 2017 : “Avec moi, ce sera la fin de cette sorte de néo-conservatisme qui a été importé en France au cours des 10 dernières années.”